Tribune rédigée par Philippe Leduc, médecin et journaliste santé, initialement publiée sur le blog du Think Tank Economie Santé, groupe Les Echos.
C’est une question majeure qui se posera de plus en plus aux politiques. La pandémie Covid a remis brutalement sur le devant de la scène un thème ancien en santé publique. La santé peut-elle justifier une atteinte de plus en plus prégnante aux libertés ?

Aurait-on imaginé avant mars 2020 qu’une loi autorise le Premier ministre, en cas d’urgence sanitaire, à restreindre ou interdire la circulation des personnes et des véhicules, à interdire de sortir du domicile en dehors des déplacements strictement indispensables aux besoins familiaux ou de santé…
…à ordonner la quarantaine, le placement et de maintien en isolement, la fermeture des établissements recevant du public, à limiter les rassemblements sur la voie publique et les réunions…
…à réquisitionner les biens et services ou les personnes, s’interrogent in fine Dominique Polton et Jean-Philippe Vinquant dans un récent, passionnant et indispensable ouvrage*. Serions-nous devenus, de fait, « une société du risque zéro qui serait prête à ne plus vivre pour ne pas mourir ? »
Liberté individuelle, protection collective…
Certes, les obligations et interdictions se sont multipliées au cours du temps et le Code de santé publique en collectionne un grand nombre. La tendance est forte. La prévention dont on déplore l’insuffisance en France risque d’en rajouter une couche. Jusqu’à l’excès ? Une réflexion s’impose pour éviter que la corde ne se rompe. Pire, si l’on peut dire, désormais il s’agit de renoncer pour les bien-portants à des libertés pour préserver la santé des autres… parfois très âgés. Liberté individuelle et protection collective !
L’histoire des restrictions est édifiante et mouvementée. Elle remonte au XIVème siècle avec la peste noire et n’a fait que s’amplifier, toujours avec de bonnes intentions mais très rapidement avec de fortes réticences qui couteront chères à la France notamment pendant la Guerre de 1870 au cours de laquelle la variole fera près de 80 fois plus de morts aux armées de ce côté-ci, racontent par le menu les auteurs.
…un compromis à trouver
Les questions discutées sont concrètes. La prévention des conduites à risque menace-elle les libertés ? Le nudge et le markéting social permettront-ils de concilier liberté et santé ? Quelle liberté pour les malades et les personnes vulnérables ou fragiles ?
Document essentiel, facile d’accès qui permettra de nourrir le débat appelé à être « public, ouvert et éclairé pour trouver un compromis conforme aux aspirations de la société entre les libertés individuelles et les enjeux pour la collectivité ».
A offrir pour les fêtes de fin d’année pour nourrir et élever le débat et par pur plaisir.
Lire la tribune sur le blog du Think Tank Economie Santé
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