Tribune rédigée par Philippe Leduc, médecin et journaliste santé, initialement publiée sur le blog du Think Tank Economie Santé, groupe Les Echos.
L’hôpital est en crise. Manque de moyens. Manque de soignants. Manque de sens. Et si, aussi, le management était en cause ? Propos provocateurs ? Irresponsables ? Non, analyse très étayée, qui si elle était niée priverait les établissements d’un atout essentiel.
Au décours d’un Voyage au cœur du système de santé* et le recueil de « 100 témoignages pour apprendre à gérer avec la crise » et après celle-ci, Hervé Dumez et Étienne Minvielle livrent ici un plaidoyer fort et convaincant. D’entrée de jeu, ils reconnaissent que « la gestion et le management ont mauvaise presse dans le système de santé, qu’ils sont associés au verrouillage des coûts et à la contrainte financière ».
Coordination, travail d’équipe et innovation

Alors que justement un service hospitalier ne remplit sa mission que s’il est bien géré. « Qualité des soins et qualité de vie au travail et maitrise des coûts ne sont pas forcément antinomiques lorsqu’ils relèvent d’un management de proximité, centré autour du meilleur parcours de soins pour le patient« . La clé qui fait aujourd’hui cruellement défaut, ce sont des compétences pratiques sur la coordination, le travail d’équipe et l’innovation.
Passionnante est la première partie, faite des témoignages des acteurs et la vision de ceux-ci sur la gestion de la crise, au cours des trois premières vagues. Directe, sans emphase. Qui a pris le pouvoir ?
Les enseignements d’une gestion de crise sont détaillés dans la deuxième partie. Comment avoir les capacités de réaction à l’inattendu ? Car une crise anticipée … n’est pas une crise, par définition.
Les orientations pour l’hôpital demain
Bien sûr, c’est la troisième partie qui est le plus décisive car sont analysées les orientations pour demain. Le mot « performance » n’est pas tabou. Celle-ci repose sur la réalisation d’objectifs spécifiques, l’ouverture vers l’extérieur, les processus internes et les relations humaines. Le mot « autonomie » ne l’est pas non plus.
A contrario d’un discours ambiant, le plus important ce sont « les changements dans les attitudes individuelles et collectives, plus que les transformations structurelles ». Ces dernières étant une « forme de paresse de la pensée managériale ».
Là est l’enjeu. Avec trois axes : l’affaissement des hiérarchies, ne pas oublier le patient, concilier expertise et ouverture vers l’extérieur.
Ce travail par l’élargissement de l’angle de vue sur l’hôpital, refusant un abord réducteur, apporte une pierre à l’édifice de reconstruction à ne pas minorer.
*Voyage au cœur du système de santé – 100 témoignages pour apprendre à gérer avec la crise. Hervé Dumez & Étienne Minvielle. 245 Pages Éditions ESKA.
Lire la tribune sur le blog du Think Tank Economie Santé.
Lire les dernières tribunes de Philippe Leduc :
- Santé : faut-il imiter le Danemark ?
- Élysée 2022 : réconcilier « technostructure » et « producteurs de soins »
- Élysée 2022 : Le nouveau credo de la Cour des comptes « gagner en efficience ou réduire les droits » bute sur un écueil majeur
- Elysée 2022 : « Le plaidoyer des économistes de la santé, théorique mais salutaire »
- Élysée 2022 : des difficultés en santé aux arguments de campagne
- Élysée 2022 : la bataille AMO-AMC aura bien lieu
- 2030, l’année de tous les dangers
- L’après COVID-19, épisode 5 : l’État et la Santé, pour une refondation