Points de vue

Tribunes - 13 janvier 2022

Comptes sociaux : la bamboche, c’est bientôt fini !

Analyse initialement publiée sur le site du Laboratoire d’idées Santé Autonomie (Lisa)

Ce n’est pas politiquement correct mais cela ne relève pas pour autant de la provocation : il va bien falloir reposer rapidement la question de l’équilibre financier de la Sécurité sociale et particulièrement de la branche maladie, dont le déficit est abyssal, y compris dans sa dimension structurelle. La dette Covid a été de façon légitime cantonnée, logée dans la CADES, dont la durée de vie a été prolongée mais ce type de solution ne marche qu’une fois.

Il faut donc retrouver rapidement le chemin de l’équilibre, dans un mix de recettes nouvelles et de maîtrise des dépenses, sachant que les effets du Ségur de la santé seront quant à eux permanents et que la croissance massive des dépenses en faveur du Grand âge est devant nous. C’est là un débat bien désagréable mais incontournable de la présidentielle.

Actuellement, au niveau du régime général de la Sécurité sociale, deux branches sont excédentaires (la branche famille et la branche accidents de travail), une branche est légèrement déficitaire (la branche retraite) et une branche est structurellement déficitaire (la branche maladie). Le déficit engendré est à peu près le triple de celui de 2018.

Branche maladie : 20 milliards d’€ de déficit structurel 

Le déficit de la branche maladie a été décuplé par la crise de la COVID-19. Le déficit structurel est estimé à environ 20 milliards d’euros, parmi lesquels 4,3 milliards peuvent être associés aux dépenses directement liées à la crise sanitaire et 9,3 milliards font suite aux mesures déployées au titre du Ségur de la Santé. Sur la partie conjoncturelle de ce déficit, une partie des pertes de recettes pourra être compensée. Le « surcoût COVID », lié par exemple à la dépense associée aux tests et aux campagnes de vaccination, sera lui aussi moindre (si la situation sanitaire se stabilise enfin).

Concernant la branche autonomie nouvellement créée, on constate un léger déséquilibre de ses comptes. La constitution de cette branche correspond à un transfert de la contribution sociale généralisée (CSG) maladie. 23 milliards d’euros de CSG ont en effet été transférés à cette branche.

L’analyse des déficits des différentes branches doit se comprendre en considérant leur périmètre respectif. En fonction de de la présentation des chiffres, le « trou de la Sécurité sociale » pèse tantôt sur la branche maladie, tantôt sur la branche autonomie.

Par rapport à ces tendances, la Loi de financement de la sécurité sociale de 2022 n’affiche pas l’amélioration de la situation par rapport à la trajectoire (si on ne faisait rien), contrairement à ce qui se pratiquait jusque-là. Cela peut s’expliquer à la fois par le souhait de ne pas froisser les professions de santé dans le contexte de crise et par le contexte pré-électoral.

De fait, aucun débat n’a été ouvert pour le moment sur ce déficit structurel de 20 milliards d’euros de la branche maladie[1].

La fin du remboursement de la dette sociale décalée de 2024 à 2033

Il est aujourd’hui possible d’emprunter à de faibles taux d’intérêt, voire à des taux d’intérêt négatifs. Pour l’heure, la dette n’est donc pas problématique et son transfert est organisé. La fin du remboursement de la dette sociale a été décalée de 2024 à 2033. Cette situation ne sera peut-être pas la même à l’avenir : il faut réfléchir à comment réduire de manière structurelle les déficits.

Le gouvernement qui sera élu en 2022 devra donc se poser rapidement la question du retour à l’équilibre.

Pour ramener à l’équilibre la branche maladie, on peut agir sur les dépenses, quand bien même cela paraît compliqué dans le contexte actuel où il faut, en outre, absorber les conséquences des revalorisations salariales et des plans d’investissement dans l’hôpital. Une solution pourrait consister à déverser plus de dépenses sur les complémentaires : c’est aussi dans ce contexte qu’il faut lire le débat sur la place de celles-ci.

Le retour à l’équilibre devra donc aussi passer par une opération sur les recettes. Cette opération pourrait être directe, en augmentant la CSG et les cotisations sociales, ce qui poserait un problème d’acceptabilité. L’opération de retour à l’équilibre pourrait également être indirecte, en transférant une recette indexée de l’Etat à la Sécurité sociale et plus particulièrement à la branche maladie. Le déficit supplémentaire pourrait ainsi être pris en charge par l’Etat.

Concernant les retraites (l’autre déficit), relever l’âge du départ à la retraite en proposant des compensations ne représenterait pas un coût important et aurait de plus un effet immédiat. Cela permettrait de revenir à l’équilibre en trois ou quatre ans, ce qui serait réalisable à l’échelle d’un quinquennat.

[1] Et la note de la Cour des comptes de décembre 2021 « Santé : garantie l’accès à des soins de qualité et résorber le déficit de l’assurance maladie » (dans la série des Enjeux structurels pour la France) ne fait que rappeler les enjeux budgétaires et articule des « recettes » des plus classiques.


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