Points de vue

Tribunes - 1 février 2022

Les déserts médicaux, marqueur du prochain quinquennat (Tribune)

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Tribune rédigée par Philippe Leduc, médecin et journaliste santé, initialement publiée sur le blog du Think Tank Economie Santé, groupe Les Echos.

Déserts médicaux. Comment en est-on arrivé là ? Pourquoi un tel échec ? Et la situation va continuer de s’aggraver, le nombre de médecins généralistes poursuivant sa baisse. Les mesures prises jusqu’à présent sont inefficaces. Les solutions existent. Les candidats doivent s’engager. Mais en veillant à la crédibilité de ce qu’ils préconiseront. Cela sera un marqueur des ambitions d’efficacité et de crédibilité du prochain quinquennat.

Le diagnostic est bien connu. Le nombre de médecins généralistes a chuté en dix ans de 5,6% et leur densité par rapport au nombre d’habitants encore plus du fait de l’augmentation de la population, et c’est encore pire si on prend en compte les besoins de santé qui croissent. En revanche, les spécialistes ont augmenté de 6,4% sur la même période.

Les uns comme les autres exercent de moins en moins en libéral. Ils sont inégalement répartis sur le territoire et cette inégalité entre régions s’est creusé. Ils sont concentrés dans la moitié sud de la France et pour les spécialistes en Ile-de-France. L’avenir n’est guère plus réjouissant. Les effectifs des généralistes vont diminuer jusqu’à 2026. Globalement, ce n’est qu’en 2030 qu’on retrouvera le niveau actuel.

Incitations financières mal calibrées

Dr Philippe Leduc, médecin, journaliste santé et auteur du blog Think Tank Economie santé, groupe Les Echos.
Dr Philippe Leduc, médecin, journaliste santé et auteur du blog Think Tank Economie santé, groupe Les Echos.

Pour lutter contre les déserts médicaux, les pouvoirs publics depuis le début du siècle ont mis en place des incitations financières : majoration des honoraires (mais à condition d’exercer en groupe), rémunération complémentaire pour ceux qui iront aider leurs confrères en zone « désertique », aide à l’installation, prime pour le maintien en zone sous-dense (mais sous condition d’exercice coordonné), garantie de revenu et protection sociale améliorée pour les jeunes, bourses, etc. Mais ces incitations n’ont pas changé la donne car trop limitées ou assorties de conditions qui en ont freiné l’intérêt.

D’autres solutions sont avancées. Augmenter le nombre de médecins (+ 20% d’étudiants en médecine cette année), faire connaitre aux étudiants la diversité de l’exercice par des stages dans les zones délaissées, soutenir les professionnels, améliorer leur cadre de vie et de travail, engager des assistants médicaux pour dégager du temps pour le soin. Mais tout cela prend temps alors qu’il y a urgence. Les Collectivités territoriales ont aussi apporté leur écot avec plus ou moins de bonheur.

Manière forte ou méthode soft

Tous les programmes des candidats à l’élection présidentielle s’intéressent désormais aux déserts médicaux que la population supporte de moins en moins. De chose l’une. Soit c’est la manière forte : obligation aux futurs médecins d’aller exercer en zones sous denses et/ou restriction de la liberté d’installation. Soit c’est la méthode soft. La première est un leurre. Jamais un gouvernement ne prendra de front le corps médical, ou bien à la marge, par crainte d’un mouvement de protestation qui bloquerait toutes les autres réformes. La seconde est inefficace. Le passé en témoigne.

Alors, que faire ? Le levier financier n’est peut-être pas le plus efficace comme le souligne un récent rapport de la Drees qui tire « les leçons de la littérature internationale », mais c’est le plus rapide s’il est bien dimensionné. S’inspirer du Québec est la solution. Augmenter de 30% des rémunérations là où on manque de médecins, leur assurer une formation, etc. Tout en renforçant la télémédecine.

Contrer les déserts médicaux relève de mesures immédiates et de long terme. Il faut allier les deux. Mais on attend, aujourd’hui, les responsables politiques avant tout sur les premières. Où ils doivent être crédibles.

Lire la tribune sur le blog du Think Tank Economie Santé

 


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