Enjeux & décryptages

L’oeil de la rédaction - 6 mai 2020

COVID-19 : les libéraux de santé, acteurs clé du déconfinement

L’hôpital est en première ligne face à la crise sanitaire du Covid-19. Les libéraux de santé ne sont pas pour autant exclus du dispositif de prise en charge des patients, qu’ils soient Covid+ ou non. Bien au contraire : depuis le passage au stade 3 du plan de lutte contre le coronavirus, le 14 mars dernier, la prise en charge des cas sans gravité s’effectue en ville, celle des cas plus sévères étant laissée aux établissements de soins. Ils ont également vocation à jouer un rôle majeur dans la phase de déconfinement du pays. Un sujet au coeur de la dernière émission UC2m News de l’Université du change management en médecine, dont nous sommes partenaires*.

 

 

« À titre personnel, depuis le début de l’épidémie, j’ai reçu 20 patients atteints de Covid-19 dans mon cabinet », évoque le Dr Jacques Battistoni, président de MG France et médecin généraliste à Caen. Un chiffre assez proche de la moyenne nationale, détaille-t-il, se référant aux résultats d’une récente enquête menée par son syndicat.

Assurer la continuité des soins pendant l’épidémie de Covid-19

Si leur activité a, en moyenne, « baissé d’environ 20 % », les pharmaciens assurent, eux aussi, « la continuité des soins » en ville, explique Gilles Bonnefond, pharmacien à Montélimar et président de l’USPO. Néanmoins, leur « travail s’est énormément complexifié », pointe-t-il. Réorganisation des officines et des plannings, protection drastique des équipes et des patients, dispensation de traitements à domicile (« 4 et 5 en moyenne » par jour et par pharmacie), renouvellement de traitements en accord avec les médecins… les pharmaciens sont également « sans arrêt appelés au téléphone » pour conseiller et rassurer.

Il constate toutefois un « dialogue plus fluide » entre les professionnels de santé, en particulier dans le cadre des Communautés territoriales de santé (CPTS) et des maisons de santé pluridisciplinaires (MSP). De même, les approvisionnements en médicaments tiennent, note-t-il, tout en glissant que ce qui pêche… c’est l’approvisionnement en masques.

Prévention en santé et maintien à domicile

« Avec le confinement, nous avons assisté à une recrudescence des maltraitances faites aux enfants. En tant que pédiatre je fais beaucoup de prévention auprès des parents, par téléconsultation« , explique de son côté Fatia Cherfioui, vice-présidente de Jeunes médecins Ile de France.

Quant aux infirmiers libéraux, ils œuvrent pour éviter l’engorgement des urgences à l’hôpital et maintenir à domicile, au maximum, tous les patients qui peuvent l’être en toute sécurité, comme Daniel Guillerm, président de la Fédération nationale des infirmiers (FNI), l’expliquait dans notre podcast le 22 avril dernier.

Les libéraux de santé essentiels à la réussite du déconfinement

Reste désormais la gestion de « l’après » et notamment celle du déconfinement, prévu à compter du 11 mai prochain. Pour les invités de Pascal Maurel, directeur de l’UC2m, nul doute que dans cette phase cruciale, les libéraux de santé devront tenir un rôle de premier plan.

« C’est notre travail de recevoir des patients présentant des symptômes du Covid-19 », rappelle le Dr Jacques Battistoni. En l’occurrence, de les diagnostiquer (diagnostic clinique + biologique grâce à un prélèvement nano-pharyngé analysé en laboratoire) puis de les soigner. Et ce d’autant plus qu’il s’agit là d’une « pathologie de médecine générale » et que « 85% des patients sont soignés en médecine générale », insiste-t-il.

« Nous avons négocié et obtenu auprès de l’Assurance maladie la prise en charge d’une consultation d’annonce pour les patients diagnostiqués Covid+complète le président de MG France. L’objectif est d’identifier les contacts qu’ils ont pu avoir lorsqu’ils étaient contagieux et d’éviter que le virus continue à se propager. »

Informer et lutter contre les fake news 

Les infirmiers libéraux peuvent également effectuer un test nano-pharyngé et participer activement au dépistage des patients (700 000 tests par semaine annoncés par le Gouvernement à partir du 11 mai). Ils « auront aussi une place importante dans la phase de déconfinement en donnant les bonnes informations aux patients », prévient Félix Ledoux, président de la FNESI.

Ce sera également le rôle des pharmaciens d’officine. « Dans cette période à risque, nous aurons pour mission de rappeler les gestes barrières, en particulier auprès des patients fragiles (immunodéprimés, chroniques…) », détaille Gilles Bonnefond. L’enjeu : lutter contre les informations farfelues voire dangereuses, les « solutions miracles » et les « attitudes nuisibles ».

La reprise des soins courants mobilisera également les professionnels libéraux, qui devront se préparer à accueillir les patients dans de bonnes conditions. « Les trois quarts des patients qui se rendent chez l’audioprothésiste ont plus de 65 ans. Nous allons donc nous préparer et prendre toutes les précautions possibles pour les recevoir en toute sécurité », assure Luis Godinho, président de l’UNSAF.

« Il est temps de créer l’infirmier de famille »

Sans doute faudra-t-il également tirer certaines conséquences de la crise. « J’espère que, après la crise, ceux qui se posaient la question de l’intérêt de la coordination des soins et d’une organisation territoriale ne se la poseront plus. En effet, c’est absolument indispensable », pointe Gilles Bonnefond, président de l’USPO.

« Il est temps de créer l’infirmier de famille, comme le préconise l’OMS », estime quant à lui Dominique Jakovenko, infirmier libéral à Alès. Selon lui, « c’est le moment de s’appuyer sur cet infirmier de famille », qui sera « le lien » entre le patient et « le monde médical, qui se déplace moins et fait beaucoup de téléconsultations ». Le professionnel le plus à-même d’avoir un « regard clinique sur les symptômes, les changements des habitudes et attitudes » des patients, ce sera « l’infirmier libéral au domicile », conclut-il. Cette revendication est également portée depuis plusieurs années par la Fédération nationale des infirmiers (FNI).

 

*Étaient présents : le Dr Jacques Battistoni, médecin généraliste et président de MG France, Gilles Bonnefond, pharmacien et président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), le Dr Fatia Cherfioui, pédiatre et vice-présidente de Jeunes Médecins Ile de France, ainsi que Félix Ledoux, infirmier et président de la Fédération nationale des étudiants en soins infirmiers (FNESI). Dominique Jakovenko, infirmier libéral à Alès, et Luis Godinho, président du Syndicat national des audioprothésistes (UNSAF), ont également apporté leur témoignage.

 

Revoir les précédentes émissions de l’UC2m

Emission du 23/04 L’engagement des jeunes contre le Covid-19
Emission du 16/04 L’hôpital face au Covid-19: maintenant et après?
Emission du 9/04 La réaction de l’Europe vis-à-vis du Covid-19
Emission du 2/04 Covid-19: l’hôpital en attaque et en défense

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