Points de vue

L’oeil de la rédaction - 11 avril 2020

Coronavirus COVID-19 : le début ou la fin de l’Europe ?

Quelle est la situation sanitaire dans les différents pays d’Europe, en cette période d’épidémie de coronavirus Covid-19 ? Quelles sont les réponses apportées ? Quel rôle a joué l’Union européenne (UE) dans la gestion de cette crise ? D’ailleurs, quelles sont ses vraies marges d’action ? Le moment de l’Europe de la santé est-il arrivé ? Autant de questions abordées, jeudi 9 avril, dans l’émission de l’Université du Change management en médecine (UC2m), animée par Pascal Maurel, directeur de l’UC2m et membre du comité de pilotage éditorial de la Veille des acteurs de la Santé. À ses côtés : Véronique Trillet-Lenoir, députée européenne et cancérologue à Lyon, Giuliano da Empoli, éditorialiste franco-italien et président du Think tank Volta et, enfin, Pierre de Gasquet, Grand Reporter aux Echos.

 

 

Un crash test pour l’Europe

Sans précédent dans notre époque moderne, la crise du Covid-19 constitue « un crash test pour les systèmes de santé qui surmontent l’épreuve de manière variable selon les circonstances »analyse Véronique Trillet-Lenoir. C’est également le cas « pour l’Union européenne », note-t-elle. L’UE a, « comme toutes les organisations, tous les pays, eu une période de tétanisation initiale, de sidération complète qui, petit à petit, donne des signes de meilleure respiration si je peux dire ».

De fait, elle commence à agir, à son niveau, en termes d’achats groupés, d’organisation des transferts de patients et de déploiement du personnel médical par-delà les frontières, de réserves de médicaments… Elle a également mis, fin mars, 37 milliards d’euros à la disposition des pays afin « de renforcer les systèmes de santé ainsi que de soutenir les petites et moyennes entreprises, les dispositifs de chômage partiel et les services de proximité », a précisé le Conseil européen par communiqué.

Insuffisant ? « Il faut rappeler qu’elle n’a aucune compétence propre en matière de santé, qu’elle n’a qu’une compétence d’appui », rappelle l’eurodéputée. En clair, les questions de santé relèvent en grande partie des États et non de l’UE. Cette dernière « en est réduite à émettre des recommandations par l’intermédiaire de ses agences et à recueillir les avis émanant des différents États ».

Construire enfin l’Europe de la santé

Pour Véronique Trillet-Lenoir, la crise que nous vivons actuellement est donc « une opportunité à ne pas manquer afin de construire, enfin, l’Europe de la santé ». Pour éviter, à l’avenir, de voir se reproduire ce type de catastrophe sanitaire, « il faut absolument construire une Europe qui soit capable, de manière unitaire et coordonnée, d’avoir des actions solidaires ».

Et ce, d’autant plus qu’à l’heure actuelle, les systèmes de santé sont extraordinairement variable d’un pays à l’autre : « les pays du Nord sont orientés vers la prévention, les pays du Sud vers un hospitalo-centrisme et les pays de l’Est sont très démunis en santé quelques soient les secteurs », synthétise-t-elle.

« Aujourd’hui, l’Europe aurait besoin d’un vrai leadership », complète Giuliano da Empoli. Celui-ci « ne peut venir en large partie que de l’Allemagne, mais Angela Merkel ne donne pas l’impression de vouloir assumer ce rôle ». 

Un « puzzle » d’États et d’institutions

Et Véronique Trillet-Lenoir de rappeler que l’UE est un « puzzle » de 27 États membres mais aussi un « ménage à trois » entre la Commission, le Parlement et le Conseil européens. Ce qui est loin de simplifier les prises de décisions.

Et de fait… Le président du Conseil européen de la recherche (ERC, pour European Research Council, en anglais), l’Italien Mauro Ferrari, a annoncé sa démission le 8 avril, déplorant de trop nombreux blocages institutionnels et politiques dans la gestion de la crise liée au coronavirus. « Il avait été nommé en janvier dernier », rappelle Pierre de Gasquet. Ce « M. Scientifique » aurait pu fournir, à l’échelle de l’Europe, quelques « éléments de réponses » sur des sujets clés tels que « les traitements, le sujet de l’hydroxychloroquine… »

Alors, la crise du coronavirus Covid-19 sonne-t-elle le début ou la fin de l’Europe ? Il est « trop tôt pour le dire », estime Giuliano da Empoli mais il est « vrai que c’est un moment crucial ». Et les « instincts et réflexes » observés depuis le début de la pandémie, plutôt nationalistes, vont plutôt dans le sens « contraire » à celui de l’Europe. « Est-ce qu’il y aura la volonté politique et l’intelligence pour trouver une synthèse européenne ? C’est possible, je l’espère », conclut-il.

 

La Veille des acteurs de la Santé est partenaire de cette émission organisée par l’UC2m.

L’UC2m est un think tank créé en avril 2018 devant la nécessité de mieux comprendre les ruptures inhérentes à l’innovation et de prendre en compte les transformations qui touchent le système de santé et l’hôpital en particulier. Il réunit des experts et des professionnels de tous horizons : médecins, infirmiers, journalistes, professeurs, directeurs d’établissement, acteurs du monde économique et des nouvelles technologies, étudiants…

 


Pour aller plus loin

Lire notre article sur la précédente émission de l’UC2m, organisée le 2 avril sur le thème « Covid-19 : l’hôpital en attaque et en défense », en présence de Thomas le Ludec, Directeur général du CHU de Montpellier et du Pr Jean Sibilia, Chef du service de rhumatologie du CHU de Strasbourg et Doyen de la Faculté de médecine de Strasbourg.

COVID-19 : organisation de combat, mobilisation ville-hôpital et solidarité

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