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Les Contrepoints de la Santé - 9 décembre 2024

Prévention en santé : alors, on fait quoi ?

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Les Contrepoints de la Santé, dont nous sommes partenaires, se sont réunis le 27 novembre 2024 autour d’un thème clé : la prévention en santé. Pour l’occasion, quatre invités ont partagé leur expertise : Cyrille Isaac-Sibille, député du Rhône, médecin, co-président de la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la Sécurité sociale (MECSS) et auteur d’une feuille de route 2023-2027 pour la prévention en santé ; Sylvain Gautier, Médecin en santé publique et praticien hospitalier universitaire au sein de l’UFR Simone Veil – Santé de l’Université Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ) ; Clarisse Lhoste, pharmacienne et présidente de MSD France ; ainsi que Guillaume Pourcher, chirurgien, spécialiste de l’obésité et auteur de « L’obésité, maladie du siècle, ni une faute, ni une fatalité ». Synthèse.

 

 

La prévention en santé est essentielle et pourtant, dès décembre 2021, la Cour des comptes déplorait « des résultats médiocres malgré un effort financier important » (environ 15 Md€, un niveau proche de celui de pays comparables) et, notamment, « un foisonnement complexe d’instruments financiers à l’efficacité incertaine ». À cela s’ajoutent des approches trop généralistes, une gouvernance éparpillée, peu de coordination entre les acteurs… dans un système de santé encore trop axé sur le curatif.

 

Pour une stratégie nationale de santé pluriannuelle

Pour le député Cyrille Isaac-Sibille, l’un des quatre intervenants des Contrepoints de la Santé du 27 novembre dernier, « la prévention doit être pensée de manière systémique », « globale », voire « industrielle » avec « un cadre national » définissant « des priorités, des objectifs à atteindre, des indicateurs afin d’évaluer les mesures, une gouvernance et un portage politique ». D’où l’enjeu d’une nouvelle stratégie nationale de santé pluriannuelle, actuellement « dans les starting blocks » mais « pas adoptée », déplore le Dr Sylvain Gautier.

Il est également essentiel d’agir sur plusieurs plans. La prévention, cela passe par l’éducation en santé dès le plus jeune âge, en renforçant la prévention dans les programmes scolaires et en formant enseignants et élèves à adopter des comportements favorables à la santé. Cela nécessite également la prise en compte des inégalités sociales de même que la personnalisation des messages de santé publique en fonction des individus. Sur ce point, Mon Espace Santé, qui permet des rappels de rendez-vous de prévention ou encore, un suivi d’indicateurs de santé comme l’IMC… peut être un outil clé.

 

Plusieurs autres leviers activables

Autres leviers évoqués pour que « ça marche enfin » : augmenter les taxes sur les produits nocifs (sodas, alcool, tabac), réduire la publicité pour les aliments et boissons nuisibles, lutter contre le poids des lobbies industriels, accroître les moyens humains (médecine scolaire, médecine du travail…) mais aussi mobiliser l’ensemble des acteurs de proximité, qu’il s’agisse des professionnels de santé, des collectivités, du monde du travail, des établissements scolaires, des mutuelles…

Pour le Dr Sylvain Gautier, il est en effet crucial de faire de chaque contact médical une opportunité de prévention. « Le Royaume-Uni a développé une approche intéressante appelée Making Every Contact Count, précise-t-il. L’idée est de tirer parti de chaque contact entre un individu et le système de santé pour délivrer un message de prévention personnalisé. » Cela suppose « une sensibilisation accrue des professionnels de santé pour repérer les situations à risque et fournir des informations adaptées aux patients, quel que soit le contexte de consultation. »

Les entreprises peuvent (doivent ?) aussi apporter leur pierre à l’édifice. « L’entreprise est un lieu de vie clé où nous, en tant qu’employeurs, avons un rôle à jouer : donner du temps et de la flexibilité pour les rendez-vous médicaux, encourager le sport, organiser des campagnes d’information et de vaccination… », détaille Clarisse Lhoste.

 

Dépistage & vaccination

De fait, le dépistage comme la vaccination doivent être renforcés. Concernant la couverture vaccinale, « si on regarde les chiffres, on n’est pas bons, résume Clarisse Lhoste. Pour les vaccins pédiatriques, obligatoires, on atteint 90 % de la population concernée couverte mais pour d’autres comme la grippe ou le Covid, on est à 50 %. Pour le papillomavirus, on est 50 % chez les 12 ans et bien moins pour les autres groupes. Pour les seniors, la vaccination contre le pneumocoque est à peine à 5 %. »

Ce qui implique de sensibiliser plus et de rendre les vaccins plus accessibles (école, entreprise, pharmacie). En Australie, « l’école est devenue un lieu de vaccination, ce qui sensibilise et éduque les enfants, mais aussi leurs familles », relève la présidente de MSD France. En France, les choses évolue également en ce sens, avec la vaccination contre le HPV. « Ça décolle doucement », relève-t-elle. Mais cela « permet d’éduquer ». C’est « important ».

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Service sanitaire, bilans de prévention

« Depuis quelques années, des avancées significatives ont été réalisées, comme les 11 vaccinations obligatoires, la création du service sanitaire et la présentation du plan national de santé publique en 2017, axé sur une approche interministérielle, poursuit le Dr Gautier. Ces mesures montrent une réelle volonté politique, mais elles nécessitent un accompagnement pour être pleinement efficaces. »

De même, les bilans de prévention sont utiles, mais encore insuffisants. Une grande partie du problème réside dans le manque de temps lors des consultations médicales. « En moyenne, un médecin dispose de sept minutes par patient, ce qui complique l’intégration de sujets de prévention », rappelle Mme Lhoste. De plus, les adolescents, souvent en bonne santé, ne consultent pas fréquemment. Cela limite leur exposition à des messages préventifs délivrés par les professionnels de santé.

 

L’obésité, maladie du siècle

Enfin, santé mentale, alcool, tabac, obésité… plusieurs sujets ont été évoqués en particulier. « Nous devons considérer l’obésité comme la maladie du siècle », insiste ainsi le Dr Guillaume Pourchet. Un « enjeu urgent », alors que la prévalence de l’obésité a doublé entre 1997 et aujourd’hui, passant de 8,5 % à 17 % de la population.

Il faut, sur ce point, « agir par le dépistage, par la déculpabilisation et par le soin ». Il alerte d’ailleurs sur une « erreur d’analyse grossière » : « nombreux sont ceux qui croient encore que l’alimentation et l’absence de volonté sont les causes essentielles de l’obésité. » Faux. « L’obésité est une maladie, martèle-t-il. Ce n’est pas la faute des personnes concernées : elle résulte de causes et de facteurs aggravants variés. Malheureusement, nos campagnes de prévention, souvent génériques et grand public, se concentrent principalement sur les facteurs aggravants sans s’attaquer aux véritables causes ». Ces dernières, bien que complexes, sont très diverses : hormonales, microbiotiques, génétiques et épigénétiques, voire psychologiques, liste le spécialiste.

 


La prévention, parent pauvre du système de santé en France ? 

Contrepoints de la Santé_Prévention en santé_Novembre 2024_Adrien Boche_ViavoiceÀ l’occasion du débat, Adrien Broche, responsable des études politiques et publiées chez Viavoice, a dévoilé les résultats d’un sondage exclusif. Parmi les principaux enseignements :

 

▪️ pour 59 % des Français, l’efficacité de la prévention repose sur les citoyens et la société elle-même (alimentation, exercice physique, logement, conditions sociales, éducation, etc.)

▪️ mais aussi sur la mise en place d’actions nationales, pour 50 % d’entre eux.

En outre, à titre personnel, 90 % des Français se disent prêts à modifier certains de leurs comportements en guise de prévention.

Consulter l’ensemble des résultats du sondage Viavoice pour les Contrepoints de la Santé – Novembre 2024

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