Après le temps des pionniers et des attentes excessives, il semble que nous ayons basculé dans celui du scepticisme, voire du dénigrement. La télémédecine ne serait pas à la hauteur des attentes et ne serait utilisée que par les « bobos » des villes. Bref, nous aurions collectivement fait fausse route. Ce constat nous semble réducteur, peu pragmatique et finalement dangereux pour nos concitoyens qui attendent des réponses concrètes à leurs difficultés d’accès aux soins.
Par Jean-Charles Dron, Directeur Opérationnel e-Meuse santé
et Jean-Michel Meyer, Président France Assos Santé Grand Est
À travers le programme e-Meuse santé (lauréat de l’appel à projets « Territoires d’innovation »), nous sommes investis sur le sujet de la téléconsultation au quotidien depuis plus de 4 ans, au sein des départements de la Meuse, Haute-Marne et Meurthe-et-Moselle. Nos expérimentations couvrent de nombreux cas de figure d’accès aux soins et à la santé, de la zone rurale à la ville, des territoires confrontés chacun à leur manière à la désertification médicale.
Nous y avons implanté des centres de téléconsultation et avons ainsi contribué en 3 ans à la réalisation de près de 4 500 téléconsultations remboursées par l’Assurance maladie grâce à notre collaboration avec plus de 80 professionnels de santé, les associations de patients, les collectivités locales.
12 recommandations pour favoriser le déploiement et la pérennité de la téléconsultation dans les territoires
Au-delà des chiffres, nous avons surtout échangé, testé, évalué. Dans un rapport « Préconisations et mesures pour la réplicabilité du déploiement territorial de la télémédecine », nous avons analysé ce qui fonctionnait, ce qui devait être amélioré ou adapté aux spécificités de chaque territoire. Pour nous, le succès de la téléconsultation tient au respect de deux prérequis essentiels : une offre de téléconsultation conçue en appui et au service des professionnels de santé du territoire concerné ; et une offre qui fasse l’objet d’une mobilisation des acteurs du soin et de l’accès aux soins des patients, dans le respect du rôle, du statut et des expertises de chacun.
Bien conçue, en co-construction avec les acteurs en place et les usagers, bien déployée, la télémédecine est un outil efficace qui offre des solutions d’accès aux soins à des milliers de Français.
Le soin, c’est le domaine des seuls professionnels de santé et de l’État régalien. Un projet de télémédecine (téléconsultation, téléexpertise ou télésurveillance) ne peut donc qu’être mené par et pour les professionnels de santé d’un territoire. C’est pourquoi le modèle organisationnel proposé par e-Meuse santé est celui du facilitateur au service des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) avec qui nous travaillons.
Dans ces projets, en coordination avec les Agences régionales de santé, les collectivités territoriales ont toute leur place dans l’amélioration de l’accès aux soins, par exemple en installant des centres de téléconsultation dans des lieux et selon des modalités discutés et décidés avec les professionnels de santé ou en participant à la rémunération des professionnels de santé assistants de télémédecine pour les tâches effectuées en appui de la stricte consultation prise en charge par l’Assurance maladie.
Clarifier l’offre de télémédecine grâce à des cahiers des charges et des méthodologies validées
Alors, oui, il faut clarifier l’offre de télémédecine grâce à des cahiers des charges et des méthodologies validées aujourd’hui disponibles grâce aux expérimentations. Nous lançons un appel à tous les acteurs concernés, État, associations de patients, professionnels de santé, collectivités locales : ne tournons pas le dos à la télémédecine !
Bien conçue, bien déployée, elle est un outil efficace qui offre des solutions d’accès aux soins à des milliers de Français démunis devant la pénurie de soignants et permet aux personnes sans médecin traitant de pouvoir retrouver un parcours de soin satisfaisant. Quant au risque de déshumanisation de la relation médicale, les enquêtes de France Assos Santé montrent qu’il n’y a pas de rupture majeure du colloque singulier et que les patients chroniques se disent plus proches de leur médecin dans un cadre moins solennel que le cabinet médical.
La télémédecine mérite une mobilisation de tous autour des bonnes pratiques. Elle a toutes les qualités pour s’intégrer aux solutions qui nous permettront de répondre collectivement aux défis de l’offre de soins dans les prochaines années.
Pour aller plus loin
- Communiqué d’e-Meuse santé à l’occasion de la parution de son rapport « Préconisations et mesures pour la réplicabilité du déploiement territorial de la télémédecine »
- Manifeste de France Assos Santé pour faire de la télémédecine un réel vecteur d’accès aux soins pour tous
- Débat des Contrepoints de la Santé « Accès aux soins : comment répondre aux besoins des patients ? »