Points de vue

Les Contrepoints de la Santé - 25 mai 2022

Données de santé : un enjeu de confiance et d’acculturation (Débat)

Contrepoints de la Santé_Données de santé_Mai 2022_Site

Le 24 mai 2022, au lendemain des élections présidentielles et à quelques semaines des élections législatives, les Contrepoints de la santé ont consacré leurs échanges à une réflexion portant sur les données de santé, « comment accélérer et simplifier ». Stéphanie Combes, directrice générale du Health data hub, Jean-Marc Aubert, président de IQVIA, et le Pr Pierre-Antoine Gourraud, chef de la clinique des données au CHU de Nantes, ont ainsi partagé leur expertise sur le sujet.

 

Quelle est la difficulté la plus importante à laquelle la France est confrontée et quel est le principal levier pour y faire face, afin qu’elle développe un leadership dans le domaine des données de santé ?

D’après Stéphanie Combes, il est important de souligner que depuis quelques années, de nombreuses mesures ont été mises en place : la création d’un Système national des données de santé (SNDS), l’adoption de la loi de modernisation de notre système de santé de 2016 et de la loi relative à l’organisation et à la transformation du système de santé de 2019 ou encore, le lancement du Health data hub. Mais « malgré toutes ces avancées, il manque aujourd’hui une stratégie commune, un alignement des acteurs autour d’une vision partagée, a-t-elle toutefois regretté. Il faudrait la construire en se projetant à trois, cinq et dix ans, en y associant des financements. »

 

 

Mener une révolution culturelle

De son côté, le Pr Gourraud pointe du doigt les problèmes de gouvernance et de reconnaissance. En tant que chef de la clinique des données au CHU de Nantes, il « prend soin » depuis juillet 2018, des données de 1.5 million de patients, soit 540 millions de données structures et 34 millions de données textuelles, avec l’autorisation de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil). « Nous avons eu une prise de conscience depuis longtemps de la valeur qu’ont les données de santé au-delà du soin », a-t-il fait savoir. Au CHU de Nantes, 400 projets ont été mis en œuvre depuis 2018, mais « nous les avons mis en place un peu aux forceps », a-t-il admis.

« On est face à un blocage collectif de compréhension de la part des professionnels de santé, des patients et de certaines associations », a souligné Jean-Marc Aubert. Il est impératif selon lui de faire comprendre que grâce à la donnée, il est possible d’améliorer le système de santé. Une révolution culturelle est à mener.

« Aujourd’hui, on peine à démontrer de manière assez forte l’intérêt de ces données, y compris les enjeux économiques pour les start-up par exemple, qui vont chercher les données à l’étranger, ou pour les entreprises privées qui choisissent d’investir ou non en France en fonction de cette facilité d’accès aux données, a rappelé Stéphanie Combes. De fait, tant que nous n’aurons pas réussi à être suffisamment précis sur leurs bénéfices, nous lutterons auprès des décideurs pour mettre en place cette stratégie. »

Et d’ajouter : « Il est vrai qu’après le discours du président de la République en juin 2021, dans lequel il avait beaucoup parlé des données de santé, de leur réutilisation secondaire, je pensais qu’il y aurait un véritable axe sur les données de santé dans la stratégie d’accélération « Santé numérique », mais ce n’est pas le cas. »

 

La valeur de la donnée

La question de la propriété de la donnée de santé est également un enjeu. « Une donnée de santé provient d’un patient et concerne son intimité, il a donc un droit de regard sur son utilisation, a concédé le Pr Gourraud. Mais les données sont aussi produites par des soignants, tandis que les institutions ont mis en place des moyens pour les récolter et les exploiter. La valeur des données de santé est la résultante d’une multitude de contributions. » Comme les acteurs investissent sur des fonds propres, « il y a un sentiment de propriété qui se développe, a poursuivi Stéphanie Combes. De fait, lorsqu’on encourage à l’ouverture des données de santé parce qu’il s’agit d’un bien collectif, cela ne marche pas aussi bien qu’on le souhaiterait ».

Quant à l’hébergement des données, il soulève lui aussi un enjeu de pédagogie et de confiance. « L’Etat encourage à migrer les données vers le Cloud« , a fait savoir Stéphanie Combes. Mais beaucoup d’acteurs ont encore recours à des hébergeurs internes pour une question de confiance. Face aux nombreuses questions qui se posent dans le domaine, Jean-Marc Aubert défend la mise en place d’une Semaine de la donnée de santé, pour une acculturation au sujet.

 


Quelques chiffres

  • 4 patients en affection longue durée (ALD) sur 10 parmi les utilisateurs d’objets connectés, sont d’accord pour partager leurs données. Ils sont donc 6 sur 10 à être encore réticents alors même qu’ils sont dits « éclairés » puisqu’ils sont en prise quotidienne avec leur maladie.
  • 6 Français sur 10 ne font pas confiance aux objets connectés pour la sécurité de leurs données de santé.
  • 62% des Français sont d’accord pour partager les données à partir du moment où cela participe à la recherche clinique et à l’amélioration de la santé.

Sondage BVA Santé pour les Contrepoints de la Santé, mai 2022

Ajouter un commentaire