Enjeux & décryptages

L’oeil de la rédaction - 17 décembre 2024

Connaissez-vous les enjeux de la maladie à corps de Lewy, la deuxième maladie neurocognitive la plus répandue ?

Largement méconnue des professionnels de santé comme du grand public, la maladie à corps de Lewy (MCL) toucherait environ 200 000 personnes en France, faisant d’elle la seconde maladie neurocognitive derrière la maladie d’Alzheimer. Depuis 2019, l’Association des aidants et malades à corps de Lewy (A2MCL) sensibilise, finance des recherches et plaide pour une meilleure reconnaissance. Philippe de Linares, président et ancien aidant, expose les enjeux autour de cette maladie. 

Propos recueillis par Renaud Degas avec Géraldine Bouton.

 

Pouvez-vous nous rappeler ce qu’est la maladie à corps de Lewy (MCL) ?

Philippe de Linares : Il s’agit d’une pathologie neurocognitive complexe et neuroévolutive. Identifiée dans les années 1970, elle a longtemps été confondue avec les maladies d’Alzheimer et de Parkinson. Toutes ces maladies ont en commun d’être des protéinopathies, soit une accumulation anormale de protéines.

Dans le cas de la MCL, les accumulations anormales de protéines, les corps de Lewy, se diffusent dans le cortex et affectent différentes zones du cerveau, ce qui déclenche des symptômes variables d’un malade à l’autre, tels que des problèmes d’attention, une fluctuation de la cognition pouvant mener à une confusion avec le trouble bipolaire et, dans certains cas, des troubles moteurs et souvent des troubles du comportement. La maladie présente également des symptômes peu communs comme les hallucinations.

Aucune étude épidémiologique n’a été menée. Le nombre de cas en France a toutefois été estimé entre 150 000 et 250 000, mais seules deux tiers des personnes malades auraient été diagnostiquées.

 

Comment expliquez-vous ce sous-diagnostic ?

P. de L.: La maladie à corps de Lewy est encore insuffisamment connue des soignants, donc souvent mal diagnostiquée. Les professionnels de santé diplômés au XXe siècle ne l’ont pas étudiée, ou très peu. Cependant, la situation s’améliore. Bien qu’elle soit encore souvent évoquée à tort comme une maladie « apparentée Alzheimer » ou « Parkinson + », la MCL commence à être considérée comme une maladie à part entière.

La recherche commence à se saisir du sujet. Il est vrai que le tableau clinique est très variable selon les patients, ce qui complexifie davantage le diagnostic.

 

De quelle manière évolue la maladie ?

P. de L.: Nous manquons de données longitudinales, car les diagnostics ont longtemps été posés tardivement, à un stade déjà avancé. L’évolution est très variable mais un laps de temps de 15 à 20 ans peut s’écouler avant que la maladie ne devienne difficile à gérer.

Les personnes atteintes de la MCL sont lucides, hypersensibles et peuvent passer de l’euphorie à la tristesse, de l’apathie à un état normal. Ces fluctuations sont difficiles à comprendre et à gérer pour le patient et son entourage.

Une consultation rapide ne permet pas toujours de les détecter. En revanche, bien connaître la maladie améliore le quotidien.

 

Comment accompagner les personnes atteintes de cette maladie encore mal diagnostiquée ?

P. de L.: La confusion avec les autres maladies entraîne souvent une prise en charge inadéquate. Par exemple, certains psychotropes peuvent accélérer l’évolution de la maladie et, dans les cas les plus graves, provoquer un décès en quelques heures. Dans l’état actuel des connaissances, le traitement doit être individualisé.

Une bonne connaissance des symptômes permet d’adapter l’accompagnement. Un patient diagnostiqué tôt, à qui l’on expliquera les hallucinations et les fluctuations de la cognition, pourra comprendre ce qui lui arrive et mieux gérer la situation. Et les aidants ainsi que les professionnels de santé, formés et bienveillants, pourront s’adapter.

 

L’A2MCL soutient la recherche. Quelles thématiques investissez-vous ?

P. de L.: Nous soutenons principalement l’amélioration du diagnostic et des traitements. Aujourd’hui, il n’existe pas de traitements adaptés qui permettent de freiner l’évolution de la maladie. Par exemple, nous soutenons des projets de recherche sur la stimulation transcrânienne ou encore l’identification de biomarqueurs sanguins spécifiques.

Depuis notre création, nous essayons de financer un ou plusieurs projets de recherche tous les ans. Au début, nous avions peu de demandes. Désormais, les projets sont de plus en plus nombreux et variés.

 

Quelles sont les actions menées par l’association notamment auprès des pouvoirs publics ?

P. de L.: En 2023, l’A2MCL s’est rapprochée d’associations internationales pour porter plus loin sa voix et créer une journée de sensibilisation à l’échelle mondiale. La prochaine aura lieu le 28 janvier 2025, et l’accent sera mis sur la formation. Nous avons également publié un plaidoyer que nous avons adressé, entre autres, au ministère chargé de la Santé. Nous y appelons à remplacer le terme maladie « apparentée », utilisé pour qualifier la MCL, par celui de maladie neuroévolutive ou neurodégénérative.

Nous demandons également la création d’une affection longue durée spécifique et la labellisation de Centres Mémoire. Enfin, nous demandons la mise en place d’un enseignement sur la MCL dans les cursus initiaux et continues des médecins et des professionnels paramédicaux, ce qui n’est que très sporadiquement le cas aujourd’hui.

 

Avez-vous été entendus ?

P. de L.: Nous avons été associés à une réflexion sur une stratégie nationale dédiée aux maladies neurodégénératives, stratégie qui n’a toujours pas vu le jour. Certaines de nos demandes, comme la labellisation de Centres Mémoire et la suppression de la notion de maladie apparentée, devraient être prises en compte. Toutefois, les changements successifs à la tête du ministère de la Santé freinent les avancées.

Ainsi, nous avons dû nous-mêmes développer des dispositifs de formation et d’information sr la MCL comme la plateforme de e-learning lewyformation.fr. Mais nous sommes confiants.

Sans campagne de communication, nous avons été rejoints par près de 15 000 personnes en cinq ans à peine. Nos réunions d’information ne désemplissent pas et sont suivies par de plus en plus de soignants ! Et nous sommes de plus en plus sollicités pour délivrer nos formations sur la maladie.

 

En savoir plus sur l’Association des aidants et malades à Corps de Lewy 

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