Comment les laboratoires pharmaceutiques investissent-ils les réseaux sociaux ? Format, contenu, choix éditorial… Chaque trimestre, depuis 2021, Buzz e-santé, média du digital santé et LauMa Communication, s’associent pour produire un baromètre « social media pharma ». Rémy Teston, consultant en transformation et stratégie digitale et directeur général de Buzz e-santé, explique la démarche et revient sur les grandes tendances.
Propos recueillis par Renaud Degas avec Géraldine Bouton.
Comment avez-vous conçu ce baromètre ?
Rémy Teston. Au départ, l’objectif était de mesurer, tous les trimestres, la présence des laboratoires pharmaceutiques en France sur le réseau social Twitter, aujourd’hui appelé X. La comparaison se fait alors selon leur communautés, l’engagement, le rythme de publication, la typologie des thématiques abordées, etc. Puis, au fil du temps, nous nous sommes aperçus que les laboratoires investissaient de plus en plus d’autres plateformes. Nous avons donc intégré Instagram, en 2022 et LinkedIn, en 2024. Ce qui permet d’avoir une vision bien plus large des usages.
Le baromètre s’appuie sur des données quantitatives et qualitatives puisque nous analysons également les formats utilisés, les tendances qui remontent des audiences.
Justement, quelles sont les grandes tendances observées depuis la création du baromètre en 2021 ?
R.T. : Parmi les évolutions notables, il y a le désengagement progressif des laboratoires sur X, notamment depuis son rachat, en 2022, par Elon Musk. Il est fort probable que la tendance s’accentue avec les résultats de l’élection américaine… Le rythme de publication décroît. Certains laboratoires ont fermé leur compte. D’autres ont cessé de communiquer sur ce réseau social, mais conservent leur compte pour protéger la marque.
Depuis le début de l’année, au moins six laboratoires ne publient plus du tout sur cette plateforme qui est, à mon sens, perçue comme un bistro du web. Il n’y a plus assez de modération pour garantir la véracité de l’information et de garde-fous pour éviter de se faire malmener en matière d’e-réputation.
De manière générale, quel est le contenu diffusé sur X par les laboratoires ?
R.T. : Tous ceux qui y ont encore recours l’utilisent, entre autres, pour communiquer sur les sujets traitant d’affaires publiques, car beaucoup de communicants et d’hommes politiques sont sur cette plateforme. X est également un outil pour la communication patient sur lequel les laboratoires relaient les campagnes de prévention en matière de santé publique. Ils communiquent aussi sur leurs différents engagements en matière de Responsabilité sociale et environnementale (RSE).
Finalement, ce réseau social reste un canal de communication descendante. Il est moins soumis à l’esprit « communauté », aux débats ou aux commentaires que les autres plateformes. Ce qui explique aussi pourquoi il était très utilisé par les laboratoires.
Quid d’Instagram ? Quelle est sa place aujourd’hui dans la stratégie de communication digitale des laboratoires pharmaceutiques ?
R.T. : Les laboratoires ont commencé à y intervenir via des communautés de patients organisées autour de thématiques comme le diabète, la sclérose en plaques, les maladies respiratoires, etc. Depuis 2022, ils créent des comptes institutionnels pour communiquer sur tous les enjeux de l’entreprise, la RSE et la marque employeur. Ils y présentent également les métiers via des portraits de collaborateurs. Leur nombre augmente tous les trimestres.
Instagram devient un canal important pour les laboratoires mais il reste plus difficile à manipuler qu’X. La ligne éditoriale est basée sur le visuel, ce qui nécessite la réalisation de vidéos. Les interactions y sont également plus nombreuses. Il faut donc de la ressource en interne ou en externe pour gérer tout cela.
Est-ce que LinkedIn change la donne en matière de communication ?
R.T. : LinkedIn est une nouvelle place forte pour les laboratoires qui l’utilisent de manière traditionnelle avec une communication descendante, mais pas seulement ! La plateforme permet de développer le social CEO. Les dirigeants de laboratoires sont des personnes assez méconnues qui communiquent peu si ce n’est lors d’interviews diffusées dans les pages économiques des journaux. Mais aujourd’hui, ils sont de plus en plus nombreux à prendre la parole sur leur page LinkedIn pour évoquer les actions menées, l’actualité, les prix reçus par l’entreprise, etc. Ces comptes, qui sont souvent pilotés par les directions de la communication, ont aussi pour objectif de valoriser les collaborateurs.
L’autre stratégie dite d’employee advocacy, consiste à déterminer au sein de l’entreprise un certain nombre d’ambassadeurs volontaires pour en faire des porte-paroles numériques en leur diffusant des contenus qu’ils publient sur leur propre compte. C’est intéressant car les utilisateurs de LinkedIn ont souvent tendance à commenter les posts des personnes qu’ils connaissent plutôt que ceux d’une entreprise ou d’une marque.