Le 10 octobre, à l’occasion de l’annonce du PLFSS pour 2025 et d’un Ondam de 2,8%, alors que les besoins sont importants, Les Contrepoints de la Santé, dont nous sommes partenaires, ont reçu Thomas Fatôme, Directeur général de l’Assurance Maladie. De fait, le déficit chronique de l’Assurance maladie risque de remettre en cause sa pérennité ou à tout le moins, ses missions. Quel avenir pour celle qui, l’année prochaine, fêtera ses 80 ans ? Quelles actions mener ? Philippe Leduc, Pascal Maurel et notre directeur, Renaud Degas, ont fait le point avec leur invité.
« La situation financière de l’Assurance Maladie est difficile, a reconnu Thomas Fatôme en préambule. C’est une réalité. » Après « le Covid-19 » et « le choc d’inflation qui a énormément impacté la ville comme l’hôpital », « nous sortons de tout cela avec 13-14 milliards d’euros de déficit. C’est évidemment un élément structurant pour nous, Assurance Maladie, en tant qu’institution », une « invitation, une incitation, une nécessité absolue d’encore renforcer nos actions », a-t-il évoqué. Et d’ajouter : « je crois qu’il faut qu’on ait une prise de conscience sur le fait qu’il va falloir collectivement trouver les voies et moyens pour restaurer la soutenabilité de l’Assurance Maladie ».
Et ce, d’autant plus que pour 2025, les projections du Gouvernement dans le PLFSS anticipent un déficit global de 18 milliards d’euros en 2024 et 15,7 milliards d’euros en 2025 pour la Sécurité sociale, malgré des efforts d’économies.
Ce qui pose question sur les défis croissants liés à la maîtrise des dépenses de santé et au financement du système. Faut-il augmenter les recettes ? « Cela sera discuté au Parlement » ; ceci étant, « on est dans un pays qui connaît un niveau de prélèvement obligatoire élevé », les « marges de manœuvre sont limitées, on le sait », a répondu le DG de la Cnam. Bref, « ma mission est claire : elle est celle de travailler sur les dépenses et c’est ce qu’on essaie de faire ».
Maîtrise des dépenses, lutte contre les fraudes
Le débat a ainsi été l’occasion de parler économies, transferts de l’AMO vers les AMC, renforcement de la prévention, amélioration de la pertinence des soins et des prescriptions… mais aussi lutte contre la fraude sociale.
La fraude est, à ce jour, estimée à environ 13 milliards d’euros, selon le Haut Conseil pour le financement de la protection sociale. M. Fatôme a précisé qu’elle concerne différents secteurs : 56 % des entreprises, 34 % des assurés et 10 % des professionnels de santé. La Cnam entend ainsi de recouvrer environ 500 millions d’euros en 2024 (contre 290 millions d’euros historiquement), en augmentant progressivement ses efforts pour mieux identifier et sanctionner ces fraudes. Et ce, en traitant chaque type de fraude spécifiquement, en fonction des secteurs concernés. Les mesures prévues incluent l’amélioration des contrôles des cotations médicales, la vérification des pratiques abusives et une meilleure organisation des équipes de contrôle.
Thomas Fatôme a par ailleurs insisté sur l’importance de renforcer les liens entre les différents professionnels de santé pour améliorer l’efficience du système. À ses yeux, les CPTS jouent un rôle clé dans la coordination des soins à l’échelle territoriale. Il a d’ailleurs reconnu que le maillage territorial progresse bien, avec environ 85 % du territoire national couvert. Mais il a rappelé la nécessité de démontrer leur efficacité en produisant des résultats concrets, notamment en matière de parcours et d’accès aux soins, de suivre les actions et d’assurer un bon usage des financements alloués.
Mon espace santé et la bataille de l’usage
Lors du débat, Thomas Fatôme a également abordé la question de l’encadrement des téléconsultations, indiquant que des progrès avaient été réalisés avec la mise en place d’un cahier des charges pour les plateformes, voté dans le PLFSS de l’année précédente. L’objectif est de réguler cette pratique tout en assurant sa complémentarité avec l’offre de soins existante, notamment dans les déserts médicaux, a-t-il pointé. Il a aussi mentionné la nécessité de lancer des assises de la téléconsultation pour mieux définir son cadre et son rôle dans le système de santé.
Sur le volet du numérique en santé, l’initiative « Mon Espace Santé » a également été mise en avant. De fait, 15 millions d’assurés ont déjà activé leur carnet de santé numérique et près de 500 000 s’y connectent chaque semaine. « C’est une belle dynamique, maintenant il faut rester modeste », a relativisé le directeur général de l’Assurance maladie.
Il y a « beaucoup de boulot » pour « gagner la bataille des usages » et veiller, avec les éditeurs de logiciels comme l’ensemble des parties prenantes, à ce que l’accès à Mon espace santé « soit fluide, simple, ergonomique ». Et, bien sûr, que l’outil soit « complètement intégré dans la pratique quotidienne » des professionnels de santé comme dans l’esprit des Français.
Pour l’heure, « 35 % des Français en font une utilisation régulière et 41 % voient ce dont il s’agit mais en ont une utilisation beaucoup plus ponctuelle », selon un sondage Viavoice exclusif dévoilé lors des Contrepoints de la santé. En revanche, « 22 % des Français » ne connaissent pas l’existence de Mon espace santé.
Le sentiment d’une baisse des remboursements
Présenté par Adrien Broche, responsable des études politiques et publiées chez Viavoice, le sondage a par ailleurs révélé que 72% des Français jugent la complémentarité entre l’Assurance maladie et la complémentaire santé « satisfaisante ». 62% ont néanmoins le sentiment que, ces dernières années, les remboursements de soins par l’Assurance maladie sont de moins en moins efficaces.
« Et pourtant, nous ce qu’on voit au niveau macro, c’est plutôt une élévation du niveau de couverture, au global, de l’Assurance maladie parce qu’elle porte le risque lourd », a estimé le DG de l’Assurance maladie. Et si le Gouvernement ou le Parlement « confirme certains choix », par exemple l’augmentation du ticket modérateur (de 30 à 40 %, comme cela est, pour l’heure, envisagé), « ça veut aussi dire qu’ils confirment que le système du 100 % » de prise en charge pour les personnes en ALD « est totalement préservé », a-t-il conclu.
Consulter l’intégralité des résultats ici ou sur le site de Viavoice.