Analyse de Philippe Leduc, médecin et journaliste santé, initialement publiée sur le site Les Echos-Le Parisien.
« Notre médecine est malade. Soignons le mal à la racine ! » Dans ce court et percutant livre, l’ancien doyen des doyens des facultés de médecine – Patrice Diot – propose avec Pascal Maurel, journaliste santé, une nouvelle vision pour réformer le système de santé, en dressant une fresque assez impressionnante des difficultés du système de santé français depuis 20 ans. La clé : renforcer l’université.
« L’exercice médical est à repenser et le profil des futurs médecins à redessiner en prenant en considération les attentes de la société » attaque d’emblée l’enseignant qui plaide pro domo pour que « les universités françaises et leurs composantes santé prennent toutes leur place et deviennent le moteur de la transformation d’un système de santé épuisé ».
Il faut « former l’Homo medicus de demain : non plus celui et celle que nous connaissons aujourd’hui mais un homme ou une femme de progrès, innovateur(trice), cultivé(e), bienveillant(e) engagé(e) dans la vie sociale et la Cité. Les universités doivent relever ce défi ».
L’enseignant de Tours qui a présidé l’Observatoire national de la démographie des professions de santé n’est pas autant le pompier pyromane qu’on pourrait craindre.
De Napoléon à Macron
Par petites touches sans exposé magistral classique, nous sont contées toutes les mauvaises fées qui se sont penchés, surtout depuis 2000 où régnait encore l’âge d’or, sur le berceau de la santé en France. Tout le monde en prend pour son grade de Napoléon avec ses officiers de santé jusqu’au Président de la République d’aujourd’hui.
Ce voyage dans le temps et l’espace des déterminants de la santé est saisissant car il montre les errances de toutes natures et les décisions malencontreuses, du numerus clausus au Mica (Mécanisme incitatif à la cessation d’activité des médecins, créé en 1988 et maintenu jusqu’en 2003).
Un tableau sans concessions
Les griefs sont lourds : marchandisation de la médecine ou au contraire étatisation, patients « consommateurs », manque de médecins, réseaux professionnels peu coopératifs, multiplication des actes, nombreux verrous d’évaluation et de contrôle qui n’ont pas permis pour autant d’éviter les erreurs et les scandales financiers, incapacité à répondre à des défis inédits, santé publique délaissée, maitrise mal conduite de l’augmentation des dépenses de santé, gouvernance détériorée à l’hôpital, déclin de la recherche, emprise de l’hôpital sur la formation, profil très stéréotypé des étudiants en médecine, etc., etc.
Le constat est sévère. Aux origines de bien des difficultés : la formation des médecins est largement décrite. Les valses hésitations donnent le vertige. Pour mettre « fin au gâchis et à la détresse » de bons bacheliers en échec après deux premières années de médecine, un système ubuesque a pris forme.
Une réponse graduée
L‘objectif, de plus en plus partagé, c’est d’apporter « une réponse graduée aux besoins de la population en confiant à des professionnels non médecins des tâches qui ne sont permises aujourd’hui qu’aux seuls médecins. Il s’agit de développer des exercices partagés, coordonnés et non pas de simples délégations de tâches ». Les auteurs plaident pour l’interprofessionnalité et pour décloisonner les enseignements et amener les étudiants des différentes filières à interagir.
« Réuniversitariser » la médecine
En conclusion, un peu rapide, les auteurs reconnaissent que le système de santé a pourtant des atouts : solidarité et des études peu couteuses. Ils veulent en définitive que soit déterminée la part de chacun et chacune dans l’organisation de la médecine et redéfinir la médecine dans la société. Finalement la « réuniversitariser ».
Sûrement l’objet d’un autre livre.
Pour aller plus loin :
- Lire le communiqué de presse relatif à l’ouvrage « Notre médecine est malade »
- La vidéo des deux auteurs :