Points de vue

Tribunes - 3 mars 2021

Fondation FondaMental : « Il faut tout faire pour que la 3ème vague de la Covid-19, qui est là et qui est psychiatrique, ne devienne pas un tsunami social » (Tribune)

Fondation FondaMental : "Il faut tout faire pour que la 3ème vague de la Covid-19, qui est là et qui est psychiatrique, ne devienne pas un tsunami social"

Dans cette tribune exclusive pour la Veille Acteurs de Santé, Anne de Danne, directrice déléguée de la Fondation FondaMental dédiée à la lutte contre les maladies mentales, est formelle : il y a bien une 3ème vague de la Covid-19, et elle est bien psychiatrique. Or, si la dégradation de la santé mentale des Français est plus que palpable, des solutions existent pour répondre à l’urgence tout en mettant le système de soins en psychiatrie en capacité de répondre dans la durée à l’inévitable augmentation de la demande de prise en charge. Anne de Danne nous donne son éclairage, alors que le Président de la République a annoncé la tenue ‘avant l’été d’Assises de la psychiatrie‘, et que le ministre de la Santé souhaite ‘jeter les bases d’une réforme profonde en santé mentale’.

Dès mai 2020, en se fondant sur les études scientifiques faites sur les précédentes pandémies d’une part, sur les résultats des pays dans lesquels la Covid-19 avait commencé avant d’arriver en France d’autre part, la Fondation FondaMental a alerté et décrit ce qui, un an après, est un fait.

Il y a bien une 3ème vague de la Covid-19, et elle est bien psychiatrique. En novembre dernier, le Ministre de la santé l’a d’ailleurs admis, dans les mêmes termes.

États anxieux et dépressifs, problèmes de sommeil

Anne de Danne, directrice déléguée de la Fondation FondaMental
Anne de Danne, directrice déléguée de la Fondation FondaMental

Si certains avaient des doutes sur la violence de cette vague, les derniers résultats, au 26 février 2021, de Coviprev, l’enquête de Santé Publique France qui, depuis le 23 mars 2020 suit l’évolution des comportements et de la santé mentale des Français pendant l’épidémie, les balaieraient : 22,7% d’états anxieux vs 13,5% en 2017, plus qu’un doublement des états dépressifs depuis septembre 2020 (23% en février 2021), des problèmes de sommeil à 65,8% vs 49% en 2017.

Si cette dégradation de la santé mentale des Français est générale, elle est particulièrement forte pour certains : les personnes avec antécédents de troubles psychologiques et psychiatriques, les femmes, les 18-34 ans et notamment les 18-24 ans étudiants, les chômeurs et plus généralement les populations précaires, mais aussi, et il ne faut pas les oublier, les personnes ayant développé une forme grave de Covid-19.

Les causes sont connues : immunologiques pour ceux qui ont eu la Covid-19, et aussi, pour tous, affectives.

Si l’inquiétude pour sa santé et celle des siens a été le premier motif d’augmentation de ces troubles anxieux, dépressifs, du sommeil, comme de l’accroissement des idées suicidaires et le développement de toutes les addictions, ce n’est plus le cas.

Craintes pour l’avenir économique, solitude, isolement, frustration

Les craintes pour l’avenir économique, mais aussi, la solitude, l’isolement, les sentiments de frustration induits par les mesures prises pour contrôler l’épidémie font le terreau de ces symptômes anxio-dépressifs.

Par ce qu’ils nous disent, ces chiffres sont d’une grande violence pour notre société.

Par ce qu’ils sont, ils nous obligent à l’action, et cette obligation est d’autant plus absolue qu’il y a des solutions.

Ces solutions que la Fondation FondaMental propose depuis le début de la pandémie ont deux temporalités. Mais elles n’auront de sens et d’efficacité que si on les mène en parallèle, pour répondre à l’urgence tout en mettant le système de soins en psychiatrie en capacité de répondre dans la durée à l’inévitable augmentation de la demande de prise en charge des troubles de santé mentale.

L’urgence de prendre en charge « les signaux faibles »

L’urgence, c’est de prendre en charge, dès l’apparition des premiers symptômes, les « signaux faibles » que sont la tristesse, le repli sur soi, le dérèglement des habitudes de vie. Et pour cela, il faut d’abord informer sur le fait que « ne pas avoir le moral » n’est pas anormal, que ce n’est ni mal ni nul.

Il faut dire, en communiquant massivement vers le grand public, que la période que nous vivons est difficile, expliquer pourquoi, nommer ces symptômes et ainsi, en déstigmatisant, inciter ceux qui en ont besoin à aller vers les lieux d’écoute et d’orientation et aussi à consulter les professionnels de la santé mentale.

Le site que la Fondation FondaMental a, avec le soutien de la Région Île-de-France, conçu et réalisé pour les étudiants de la région est la preuve que c’est possible.

Mais il faut d’abord en finir avec les a priori qui font penser que les maladies psychiatriques seraient des maladies différentes.

La santé mentale, composante de la santé globale

C’est triplement faux. Premièrement, et comme le dit l’OMS depuis 1946, la santé mentale est une composante de la santé globale, deuxièmement, les maladies psychiatriques sont des maladies comme les autres, et donc troisièmement, les malades qui en sont atteints sont des malades comme les autres. A cet égard, rappelons « juste » que les personnes atteintes de maladie mentale sont une source d’inquiétude pour près d’1 Français sur 3.

Le moyen terme, c’est la remise à niveau d’un système qui, à la différence de ce qui a été fait dans de nombreux pays développés, est le parent pauvre historique de la politique nationale de santé.

Cette remise à niveau est de même nature et appelle les mêmes solutions que ce qui a été fait, avec le succès que l’on connaît, pour le cancer, une pathologie qui a beaucoup de points communs avec les maladies psychiatriques.

Pour y parvenir, il y a quatre conditions, évidemment cumulatives :

  • une volonté politique forte au plus haut niveau des pouvoirs publics,
  • une vision pluridisciplinaire coordonnée,
  • un effort pour la recherche et l’innovation,
  • et une perspective pluriannuelle ; trois ans nous semblent à la fois nécessaires et suffisants pour obtenir des premiers résultats et pouvoir montrer des preuves.

Sur tous ces points, la Fondation Fondamental a fait des propositions et lancé pour ce qui la concerne, des actions qui en démontrent l’intérêt.

Des Assises de la psychiatrie « avant l’été »

C’est pourquoi les annonces faites par le Président de la République de la tenue « avant l’été d’Assises de la psychiatrie« , et par le ministre de la Santé de sa « volonté de jeter les bases d’une réforme profonde en santé mentale » nous semblent signifier la volonté politique de passer des constats aux actes.

Si tel est bien le cas, la Fondation FondaMental mettra évidemment toutes ses réflexions et ses propositions à la disposition des pouvoirs publics.

 

 


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