Points de vue

La Veille sur BFM Business - 17 décembre 2019

Réforme des retraites : acceptée dans ses principes, rejetée dans ses modalités

Promesse de campagne d’Emmanuel Macron, la réforme du système de retraite a finalement été dévoilée par le Premier ministre le 11 décembre dernier. Souhaitant une structure plus égalitaire pour l’ensemble des Français, le nouveau système, universel, prône sa simplicité et sa lisibilité. Des volontés louables, mais comment cela s’applique-t-il dans un cadre concret, tel que celui, par exemple, des professions de santé aux statuts variés ? Julien Gagliardi s’est attardé ce week-end sur ces nouvelles mesures dans son émission BFM Life, sur BFM Business. Renaud Degas, journaliste et directeur de la Veille des acteurs de la Santé, a fait part de son point de vue en compagnie de Frédéric Bizard, économiste et président de l’Institut de la santé, le samedi, et de Laure Millet, chargée d’études du programme de santé de l’Institut Montaigne, le jour d’après.

 

 

Tout en tentant de s’éloigner des clivages divisant actuellement le pays, Frédéric Bizard reste interloqué par les mesures présentées, affirmant que pour les Français, l’essentiel dans les retraites, « ce n’est pas tellement l’égalité, mais l’efficacité du système » : si ce dernier « est plus égalitaire, tant mieux, mais ce que [les Français veulent] avant tout, c’est un pouvoir d’achat qui soit suffisant ».

Et de poursuivre en disant qu’ »on ne peut pas avoir un système universel à 120.000€* qui soit efficace » : le taux de remplacement d’équilibre devant être le même pour l’ensemble du régime, ce dernier ne sera certainement pas suffisant pour les bas salaires, gênant ainsi la retraite des classes moyennes. Et les aides promises par le gouvernement font alors sortir le régime de l’universalité promise.

L’âge de départ à la retraite, « erreur du gouvernement »

Renaud Degas ne manque pas de remarquer la petite litanie soutenant qu’il n’y a pas d’urgence à réformer le système car il existerait des solutions soutenables. Manque de clarté ? Imbroglio ?

Pour Frédéric Bizard, « l’erreur du gouvernement » est d’avoir mis de côté la question de l’âge de départ à la retraite, ce dernier étant inséparable d’un système universel à points. « On passe d’un système qui est très figé, avec des obligations, à un système qui est basé sur l’incitation », glisse-t-il. Bref, on ne nous force pas à travailler plus, mais on nous y incite car nécessaire pour l’équilibre du système.

Ainsi, on passe d’un système monolithique, prenant peu en compte les volontés individuelles, à un système beaucoup plus flexible. Il fallait donc, selon l’économiste, que le gouvernement sorte de cette fausse promesse de ne pas toucher à l’âge-pivot de retraite qui lui aura causé plus de tort que de bien.

Un nouveau système en accord avec la loi Santé

Quid du secteur de la santé ? Renaud Degas pense que, pour les professions de santé, « ce système de retraite ne peut être que bénéfique à la mixité des exercices », en permettant une fluidification entre les différents statuts. Frédéric Bizard note cependant la colère des indépendants due à la hausse de leurs cotisations (de 18% à 28%) et conclut sur le dimensionnement de ce système qui serait à revoir.

 

 

Le débat s’est poursuivi dimanche, entre Renaud Degas et, cette fois-ci, Laure Millet, de l’Institut Montaigne. Le directeur de la Veille des acteurs de la Santé relève ainsi deux points clé concernant les professions de santé. Premier point, il y a « autant de problématiques de retraite que de statuts » et, en montant le niveau de régime obligatoire de base, « on mange tous les régimes complémentaires alimentées par des cotisations obligatoires des professions libérales ».

De plus, sur le fond, le fait de pouvoir basculer sur un régime universel va potentiellement faciliter le décloisonnement promu par la nouvelle loi Santé : « cela devrait permettre de fluidifier les exercices entre les différents secteurs du système de santé », insiste-t-il, confirmant ses propos de la veille. Laure Millet abonde dans son sens et pointe que, « d’un point de vue macro, l’objectif en mettant en place un système universel est d’instaurer plus de lisibilité et de justice sociale ; en cela, on peut difficilement contester cette réforme ».

De la progressivité du système de retraite

Ce nouveau système ne concerne pas les personnes nées avant 1975 et la génération 2004 sera la première à être touchée par l’ensemble des mesures : entre les deux, on parle de transition progressive. Renaud Degas cite ainsi l’exemple des professionnels de santé libéraux, dont les taux de cotisation devraient changer peu à peu par rapport à leur taux de régime propre : la réforme ne devrait pas se faire « brutalement » mais « par paliers ». Les libéraux ayant une réserve suite à leur bonne gestion du régime de retraite, cette dernière doit servir à « compenser, lisser l’effort qui sera demandé aux libéraux jusqu’à atteindre [le palier cible] ». Laure Millet confirme la « nécessité de faire les choses de manière progressive pour s’assurer la confiance des Français ».

Au-delà de ce thème qui risque de continuer de faire parler de lui durant les semaines à venir, les invités de Julien Gagliardi ont pu discuter également de la Cour des Comptes épinglant l’Ordre des Médecins (émission de samedi) ainsi que des médecins généralistes appelant à fermer leurs cabinets tous les samedis matins (dimanche).

 

*Selon le régime universel souhaité par le Gouvernement, 100% des actifs seront couverts ; il garantira pour tous les assurés « l’acquisition de droits sur la totalité de leurs revenus d’activité » dans la limite de 120 000 € bruts annuels, soit 3 fois le plafond annuel de sécurité sociale (Pass).

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