INITIATIVE _ Le rapport Libault sur la future loi Grand âge et autonomie vient d’être remis à la ministre de la Santé. Parmi les enjeux, celui de la prévention de la dépendance est essentiel. Une des solutions à mettre en œuvre consiste à lutter contre les fragilités engendrées par le vieillissement. Et cela s’apprend. C’est le pari des concepteurs et promoteurs du programme de prévention Jeanne et Léon, véritable école du « bien vieillir ».
Il n’y a pas de fatalité à la perte d’autonomie. En tant qu’acteurs de l’accompagnement à la longévité, nous sommes convaincus qu’il est non seulement possible, mais souhaitable de la prévenir et ainsi de permettre au plus grand nombre de vieillir sans devenir dépendant.
Diffuser la culture du « bien vieillir »
C’est possible, car, aujourd’hui, chacun connaît les facteurs clés du vieillissement réussi. Avec le Plan « Bien vieillir », les organismes de Sécurité sociale et Santé publique France ont mis à disposition des ressources pédagogiques conséquentes et encouragent tous les acteurs de terrain à multiplier les actions autour des grands déterminants du bien vieillir : la santé, la nutrition, le logement, la sociabilité. De la même manière, les caisses de retraite complémentaire Agirc-Arrco, via leurs centres de prévention, agissent dès les premières années de retraite pour diffuser la bonne parole. Les Gérontopôles, les acteurs de la Conférence des financeurs et même certains de la silver économie proposent des sessions d’informations ou des ateliers pour découvrir ou mieux appréhender les conditions d’un vieillissement positif.
Agir sur le coût futur de la dépendance
C’est souhaitable, car l’enjeu est de taille. Dans moins de 15 ans, les plus de 65 ans représenteront un tiers de la population. Peut-on imaginer laisser cette cohorte importante se diriger vers la dépendance sans rien faire ? Outre le coût humain, celui pour la collectivité serait immense. 30 milliards d’euros selon les chiffres de la Mutualité française : un coût de la dépendance auquel les pouvoirs publics ne pourraient faire face seuls. Entre le coût humain et le coût économique, la prévention de ce risque est donc fondamentale.
Passer à la vitesse supérieure
Alors, pourquoi, et malgré les nombreuses campagnes menées par tous les acteurs, les bonnes habitudes ne sont pas prises et se préoccupe-t-on encore trop souvent de bien vieillir alors que les fragilités s’installent ? Pourquoi attend-on d’avoir fait une première chute, d’avoir eu un malaise, voire d’être allé en urgence à l’hôpital pour agir ? La raison est toute simple. La théorie ne suffit pas, il faut de la pratique. Et une pratique suivie assez longue dans le temps pour pouvoir devenir une routine. Et une pratique collective pour qu’il y ait un peu d’émulation, beaucoup d’échanges et que les erreurs du voisin soient des occasions de s’interroger et de modifier ses propres croyances et attitudes. De la même manière qu’il y a des écoles de parents et de grands-parents, pourquoi n’y aurait-il pas des écoles du Bien vieillir ?
De la théorie à la pratique
Partant de ce questionnement, nous avons, pendant 18 mois, travaillé à un projet de séjour de 3 semaines pour permettre d’apprendre par la pratique et de façon ludique. Au sein de l’équipe, nous l’appelons la « croisière terrestre » tant nous tenons à ce que cette démarche, avant tout préventive, soit vécue comme un beau voyage.
Notre travail est fondé sur des données scientifiques internationales, et nous avons bénéficié des moyens et des équipes de recherche et développement du Gérontopôle des Pays de la Loire et du soutien de son président fondateur le Pr Gilles Berrut. Nous nous sommes également inspirés des exemples étrangers et avons pu compter sur l’appui du Professeure Mylène Aubertin-Leheudre, Directrice du Laboratoire du Muscle et de sa Fonction de l’Université du Québec à Montréal.
Nous avons ensuite élaboré un programme en forme de triptyque « parler-manger-bouger » avec un accompagnement psychologique, nutritionnel et une préparation physique. Ces activités sont variées, menées en groupe, avec des intervenants venant aussi bien du monde du sport que du secteur sanitaire. Ce programme est personnalisé pour chaque stagiaire, pour répondre à ses attentes et lui donner la liberté de choisir. Il permet à la personne d’être évaluée gérontologiquement de façon globale et de lui redonner le pouvoir de bien vieillir (empowerment) en se basant sur ses connaissances et apprentissages passés et à travers le discours de ses pairs. Surtout, nous avons voulu que ce programme fasse toute sa place à la bienveillance, à la convivialité et à l’échange. Et c’est ainsi qu’est née le programme de prévention Jeanne et Léon.
Depuis novembre dernier, nous travaillons à l’élaboration de programmes plus affinés sur différents types de fragilité, que nous testerons grandeur nature dans les semaines à venir et qui confirmeront, nous l’espérons, nos travaux préliminaires : oui, il est possible d’apprendre à bien vieillir si l’on donne aux personnes l’environnement adéquat et le temps nécessaire pour acquérir les bons réflexes. Parce qu’il n’est jamais trop tard pour prendre de bonnes habitudes.
Dr Delphine Piolet, Gérontologue, Directeur de Projet, Gérontopôle des Pays de la Loire
Dr Adeline Bodin, Gériatre, Responsable du programme de cure Jeanne et Léon
Christophe Beauvais, Directeur général, Jeanne et Léon