Chronique de Renaud Degas, journaliste et directeur de La Veille Acteurs de Santé, sur le plateau de l’émission Check-up santé, animée par Fabien Guez et diffusée les 26 et 27 mars 2022 sur BFM Business.
Derrière le titre dramatique de cette chronique, se cache un magnifique paradoxe comme le secteur de la santé sait en produire régulièrement.
Avec les plans « Re-localiser »,« France 2030 » ou encore « Innovation Santé 2030 », le Gouvernement essaie de renforcer et de réimplanter l’industrie de la santé en France, y compris celle des dispositifs médicaux (DM).
Un des derniers exemples en date, le 28 février dernier, Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée chargée de l’Industrie, a annoncé un programme de 400 millions d’euros pour accompagner les entreprises du DM en France et soutenir l’innovation, l’industrialisation mais aussi l’accès de ces DM au marché et la capacité des hôpitaux à les acheter.
Mais malgré ces belles annonces et ces bonnes intentions qui devraient les réjouir, les entreprises du DM sont très inquiètes.
Depuis mai 2021, ces entreprises doivent en effet mettre en place les nouvelles mesures du règlement européen sur les dispositifs médicaux. Ce règlement impose de refaire passer tous les DM par l’étape du marquage CE d’ici mai 2024, ce qui coûte cher en temps et en budget d’études cliniques complémentaires, d’organismes certificateurs… lesquels n’arrivent pas à suivre.
Car les organismes certificateurs doivent eux aussi adapter leurs procédures et être habilités au titre de cette nouvelle règlementation pour certifier les dispositifs médicaux. Or, à ce jour, seuls 27 le sont en Europe dont 1 en France, ce qui ralentit considérablement l’instruction des dossiers…
2 problèmes, 2 conséquences
Cette situation pose deux problèmes :
- Premièrement : il y a beaucoup de DM à recertifier et cela bouchonne au niveau des organismes certificateurs, trop peu nombreux, qui ne pourront pas tout absorber d’ici 2024.
- Deuxièmement : les entreprises du DM en France, ce sont quelques gros mastodontes européens et internationaux… mais ce sont surtout 93 % de start-up et de PME. Certaines de ces entreprises sont en train de renoncer à faire recertifier leur(s) DM.
Cela a deux conséquences :
- Cela met en danger ces entreprises.
- Mais, plus grave encore, cela prive les professionnels de santé et les patients de certains dispositifs médicaux très spécifiques.
Conclusion, nous sommes devant 2 paradoxes :
- Le premier, alors que l’on investit dans le secteur des DM, un règlement européen vient fortement fragiliser ce même secteur économique.
- Le second, c’est que ce règlement a été adopté pour augmenter la sécurité des soins or, pour certains patients, il fragilise leur accès aux soins.
Mi-mars, les représentants de l’industrie du DM français et allemand (Snitem et BVMed) ont cosigné une lettre à l’intention de Bruxelles pour signaler le danger et suggérer des aménagements.
On attend maintenant la réponse des autorités.
(Re)voir la chronique de Renaud Degas dans l’émission Check Up santé (à 14’26)
Cette chronique est dédiée à Philippe Chêne, le président du Snitem, brutalement décédé il y a 15 jours. Un homme dont la disparition a suscité beaucoup d’émotion dans le secteur. Toutes nos condoléances et notre soutien à sa famille et à ses proches.