Points de vue

L’oeil de la rédaction - 8 novembre 2023

Le French Gut : « Nous avons pour ambition d’accélérer la science du microbiote » (Interview)

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Récompensée en 2023 lors du Festival de la communication en santé pour son projet de science participative « Le French Gut », qui ambitionne d’accélérer la science du microbiote, l’équipe MetaGenoPolis-INRAE lance une nouvelle de campagne de recrutement auprès de la population à partir de décembre. Le point avec Anne-Sophie Alvarez, responsable communication de l’unité MetaGenoPolis et du projet Le French Gut.

 

Comment le projet « Le French Gut » a-t-il vu le jour ?

La Veille_Anne Sophie AlvarezAnne-Sophie Alvarez : Le projet est né au sein de l’Unité de recherche MetaGenoPolis de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE), experte dans la recherche et l’analyse du microbiote humain et animal depuis 2010. Nous travaillons sur le lien entre le microbiote, l’alimentation et la santé.

A ce jour, nous disposons de nombreuses études scientifiques portant sur des populations symptomatiques, donc de marqueurs microbiens associés aux dysbioses – altération du microbiote en cas de maladies. En revanche, nous détenons que trop peu de données concernant la population générale en bonne santé.

Conséquence : nous ne savons pas encore définir un microbiote intestinal d’une personne en bonne santé. Pour cette raison, nous avons lancé, en septembre 2022, le projet Le French Gut – le microbiote français, porté par l’INRAE en collaboration avec l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) et de nombreux partenaires publics et privés. Après une phase pilote prévoyant le recrutement de 3000 personnes, pour tester la faisabilité de notre projet, nous lançons aujourd’hui une nouvelle vague de recrutements à grande échelle, en plusieurs étapes, afin d’atteindre 100 000 personnes au sein de la population générale d’ici fin 2027.

 

Comment se déroule ce recrutement ?

Anne-Sophie Alvarez : Nous disposons de deux voies d’entrées pour les personnes souhaitant participer à ce projet de science participative. La voie principale concerne le grand public. Dans ce cadre, nous portons de nombreuses communications afin de rendre le projet le plus attractif possible, sur Internet via les réseaux sociaux, lors d’évènements ou encore au sein des médias plus classiques. L’autre voie se fait via les grandes cohortes nationales afin de collecter le microbiote de personnes atteintes de maladies spécifiques. Avec ces deux voies, nous cherchons avant tout à disposer d’échantillons de microbiote intestinal permettant de représenter la variété et la diversité de la population française.

La Veille_French-Gut-Affiche-Com-SanteLa participation est gratuite ; il est simplement nécessaire de s’inscrire sur le site internet dédié. Après avoir créé son compte participant et répondu à deux questions pour s’assurer de son éligibilité au projet (attente de trois mois après la prise d’antibiotiques ou d’une coloscopie), le participant doit répondre à un court questionnaire concernant ses données nutritionnelles et cliniques. L’AP-HP lui envoie ensuite un kit de collecte de selles contenant une enveloppe préaffranchie. Le contenu, anonymisé par l’AP-HP, est alors envoyé à l’INRAE.

Pour leur conservation, les échantillons seront congelés dans un premier temps à -80 degrés, puis analysés en croisant les données de composition du microbiote avec le questionnaire. Aucun retour individuel n’est prévu à ce jour. En revanche, nous envoyons des newsletters aux participants contenant les avancées du projet et des résultats collectifs. Nous allons aussi organiser des webinaires avec des experts qui répondront aux questions des participants.

 

Quels sont vos objectifs avec ce projet ?

Anne-Sophie Alvarez : Nous avons pour ambition d’accélérer la science du microbiote afin de mettre en place des actions de prévention en santé, ce qui implique de bien cartographier le microbiote intestinal en France métropolitaine – les dossiers réglementaires sont en cours pour l’étendre aux DOM/TOM et aux mineurs.

Cette ambition se traduit au travers de deux objectifs. Le premier consiste à vouloir bien comprendre le fonctionnement d’un microbiote intestinal sain afin de pouvoir établir des normes avec des seuils – comme pour les prises de sang. Lorsque ces données seront standardisées, il sera possible pour chacun de savoir si son microbiote intestinal est dans la norme pour éventuellement, si ce n’est pas le cas, prendre des bactéries permettant de rétablir l’équilibre du microbiote et ainsi prévenir l’apparition de maladies chroniques.

Notre second objectif consiste à accroître les connaissances concernant le lien entre le microbiote et les maladies chroniques afin de mieux le prendre en compte dans l’approche thérapeutique. Dans le cadre d’une étude menée avec Gustave Roussy, nous avons constaté que le microbiote peut être prédicteur de la réponse ou non d’un patient à un traitement d’immunothérapie contre certains cancers. L’enjeu de la médecine de demain sera donc de prendre en compte cette relation homme-microbiote pour soigner et ainsi tendre vers une médecine personnalisée.

 

Votre projet répond donc à un réel enjeu de santé publique…

Anne-Sophie Alvarez : Tout à fait, car nous savons aujourd’hui qu’une dysbiose est un facteur de risque de développement des maladies chroniques comme l’obésité, le diabète, le cancer, les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin ainsi que les troubles et maladies en lien avec le cerveau telles que l’autisme, Parkinson, Alzheimer par exemple. Aujourd’hui, elles augmentent de manière incontrôlée, ce qui démontre la nécessité d’agir en prévention. Le microbiote pourrait être la clef pour prévenir leur développement.

Avec Le French Gut, nous souhaitons aller plus vite et plus loin dans les connaissances, afin de faire avancer la science du microbiote et ouvrir la voie au développement de thérapies innovantes.

 

Pourquoi avoir concouru au prix de communication du Festival de la communication en santé ?

Anne-Sophie Alvarez : Ce festival réunit tout l’écosystème autour de la communication santé. En y participant, mon objectif était de donner de la visibilité à notre projet vis-à-vis des experts de la communication en santé et de bénéficier d’un retour sur mon travail de communication. J’ai postulé dans la catégorie Prévention et sensibilisation santé publique. J’ai donc pitché sur le microbiote.

Le président du jury, Julien Kouchner, a trouvé ma communication innovante dans ma façon d’aborder ce sujet délicat qu’est le microbiote. Le jury a aussi apprécié les nombreux supports que j’ai déployés pour acculturer tous les publics sur le microbiote intestinal, le lien avec la santé et la façon dont nous pouvons en prendre soin par l’alimentation.

Ce prix m’a apporté de la crédibilité dans la communication du projet et nous a donné de la visibilité. C’est un grand honneur de l’avoir reçu.

Propos recueillis par Laure Martin

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