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Tribunes - 2 mars 2022

Quelle politique pour le Grand âge en France ? Le point de vue de Monique Iborra (Tribune)

Quelle politique pour le Grand âge en France ? Le point de vue de Monique Iborra_Tribune_Veille Acteurs Santé

Monique Iborra est députée membre de la Commission des Affaires sociales, rapporteure d’une mission flash en septembre 2017 et co-rapporteure d’une mission d’information en mars 2018 sur les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), et auteure d’une proposition de loi visant à « Agir pour préserver l’autonomie et garantir les choix de vie de nos aînés » en juin 2021. 

Ayant travaillé sur le sujet du Grand âge depuis plusieurs années, elle souhaite faire part de son point de vue sur les politiques menées et à conduire en la matière. 

Monique Iborra
Monique Iborra, Députée de la 6ème circonscription de la Haute-Garonne, membre de la Commission des Affaires sociales

La crise sanitaire que nous avons vécue a surligné les enjeux du Grand âge, a mis en lumière les dysfonctionnements décrits dans de nombreux rapports, qui n’ont pas été suivis des réformes qui auraient dû s’imposer chaque fois. Ces quinze dernières années ont vu des débats, des rapports, mais aucune décision assurant la pérennité du financement des politiques du vieillissement. Les rapports successifs ont donné lieu à de nombreuses propositions, trop rarement mises en œuvre.

La politique du Grand âge n’est abordée en général que sous l’angle du financement et de la prise en charge de la dépendance, avec l’effet dépressif qu’elle peut avoir sur notre inconscient collectif qui finalement préfère la relégation à l’action volontariste, onéreuse mais indispensable, qui doit prendre en compte la réalité sociologique, démographique… et humaine.

Création de la 5e branche de la Sécurité sociale

Il serait cependant injuste d’affirmer que rien n’a été fait autour de la politique du Grand âge, notre Gouvernement comme d’autres a œuvré. Depuis quatre ans, un certain nombre de mesures dont nous pouvons être fiers ont été déclinées, en particulier la création du cinquième risque, préconisée par tous les acteurs, attendue par nos concitoyens et qui est aujourd’hui une réalité ; également des mesures de revalorisations salariales inédites et espérées depuis de longues années. Par ailleurs, les aidants ont vu la prise en charge du congé proche aidant assurée, alors qu’il n’était jusqu’ici pas indemnisé.

La politique du Grand âge doit répondre aux besoins des personnes, et non à des logiques institutionnelles. Des attentes sont exprimées clairement concernant un changement du modèle d’accompagnement, une prise en charge sanitaire et médico-sociale plus satisfaisante, une reconnaissance effective des droits et de la citoyenneté des personnes âgées, une prise en charge financière plus juste et solidaire qui protège notamment les plus modestes.

Comment en est-on arrivé à cette crise des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) ? Cette question n’est pas à chercher exclusivement à l’intérieur des établissements : elle tient surtout à une insuffisante adaptation de notre société à la réalité et aux conséquences du vieillissement. C’est pourquoi il est nécessaire de rappeler que c’est de la rencontre entre un phénomène démographique d’une ampleur inédite et une prise de conscience insuffisante qu’est née la situation actuelle de la dépendance dans notre pays.

Améliorer la qualité de la prise en charge soignante en Ehpad

Aucun des choix fondamentaux n’avait été tranché jusqu’à la création de la cinquième branche de la Sécurité sociale par notre Majorité en août 2020. Les réformes moins systémiques effectuées auparavant et les avancées obtenues ces dernières années n’avaient permis que des progrès partiels et limités.

L’EHPAD étant un lieu de soins et un lieu de vie, il est impératif d’améliorer la qualité de la prise en charge soignante, et donc de renforcer l’encadrement et parvenir à une norme de personnel « au chevet » du résident[1].

Appeler à l’amélioration de la prise en charge – soignante, mais pas seulement – des résidents d’EHPAD ne sera qu’un vœu pieu si les moyens humains nécessaires n’accompagnent pas ces évolutions.

De l’avis unanime, les effectifs ne correspondent pas encore aux besoins, bien qu’améliorés ces dernières années.

Avec le Ségur de la santé, le Gouvernement a fait le choix, dans un premier temps, d’augmenter les salaires des personnels soignants afin de renforcer l’attractivité des métiers. Dans le cadre des projets de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2021 et 2022, notre Majorité a voté près de 9 milliards annuels de revalorisations salariales.

Redéfinir les compétences des différents acteurs

Il faut ouvrir le chantier d’une véritable simplification de la gouvernance. L’organisation complexe précitée ne répondant à aucune nécessité absolue, il est nécessaire d’ouvrir le chantier d’une redéfinition des compétences des différents acteurs, notamment celles de la Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie (CNSA), devenue par la loi une caisse de Sécurité sociale, chargée du financement public de la branche Autonomie.

De la même façon, il n’est pas évident que nous devions confirmer la compétence départementale sans s’interroger sur la pertinence de cet échelon pour la prise en compte de la dépendance, ce choix impliquant des inégalités intra départementales préjudiciables à la mise en œuvre d’une politique publique.

Des choix stratégiques, financiers, mais aussi sociétaux

Concernant le système de financement, une simplification doit également s’imposer. Le changement du statut des EHPAD du secteur privé commercial en une société à mission ne saurait être suffisant pour obtenir la transparence nécessaire à leur financement. La Cour des comptes doit pouvoir, en complément des Agences régionales de Santé (ARS) assurer des contrôles réguliers sur la partie hébergement notamment[2].

Le monde politique, les parlementaires notamment, doivent s’emparer du problème qui repose à la fois sur des choix stratégiques, financiers, mais aussi sociétaux où l’humain doit avoir une place prépondérante. Le législateur, le gouvernement et les citoyens associés ont une obligation sociétale de résultat. Ce qui implique que la politique du grand âge en France nécessite une loi ambitieuse, réformatrice sur l’ensemble de ses aspects.

[1] Rapport d’information déposé en application de l’article 145 du Règlement par la Commission des Affaires sociales en conclusion des travaux de la mission sur les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) et présenté par Mmes Monique Iborra et Caroline Fiat.

[2] Rapport de la Cour des comptes sur la médicalisation des EHPAD, rendu public le 28 février 2022 et dont les conclusions ont été présentées par son premier président Pierre Moscovici, auditionné par la Commission des Affaires sociales du Sénat le 23/02/2022.

 


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