Points de vue

Non classé - 9 décembre 2020

Serge Deschaux, de chirurgien-dentiste à enquêteur médico-historique

Ancien rédacteur en chef d’une revue médicale, auteur de nombreux articles scientifiques et chroniques dans la presse professionnelle, très engagé sur les questions de qualité-sécurité des soins de ville et de qualité de vie au travail des soignants libéraux… mais aussi chirurgien-dentiste et expert auprès de la Haute Autorité de Santé (HAS) et de la Cour d’Appel de Rennes, Serge Deschaux a plus d’une casquette. Il ne lui manquait plus que celle d’ « enquêteur médico-historique ». C’est désormais chose faite, avec la sortie de son ouvrage « Comment allez-vous, mon général ? Charles de Gaulle et sa santé » (lire ci-dessous). Un travail ayant nécessité trois ans de recherches et d’entretiens avec, notamment, les professionnels de santé qui ont pris soin de l’ancien chef d’État, « dans le respect du secret médical et de la plus élémentaire bienséance ». Entretien.

 

Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à écrire sur ce sujet ? Votre profession de chirurgien-dentiste a-t-elle influencé votre démarche ?

Serge Deschaux : J’ai toujours été fasciné par l’immense destinée de Charles de Gaulle et par tous les ressorts dont il a dû user pour parvenir à ses fins, très souvent dans l’adversité. A vrai dire, je connaissais plus le Général de Gaulle que Charles de Gaulle. C’est ma position de soignant et l’angle d’approche qui en découle qui m’ont autorisé d’aborder un de Gaulle intime indissociable du personnage public. Quand tant d’ouvrages sont consacrés à Charles de Gaulle, mon ambition, en cette fin d’année anniversaire de sa naissance, de l’Appel du 18 juin et de sa mort, était de venir conclure ce cycle par la première biographie médico-historique du Général.

Quel intérêt, quelle satisfaction avez-vous trouvé à explorer la santé d’un personnage public tel que le Général de Gaulle ?

S.D. : Parler de la santé de quelqu’un revient bien évidemment à aborder son intimité. La santé est un terrain d’investigation fabuleux. En évitant les écueils d’un voyeurisme inconvenant ou du recyclage d’anecdotes connues de tous, je me suis attaché à reproduire une santé dans ses dimensions physique, mentale et sociétale, comme nous y invite l’OMS.

J’ai découvert un de Gaulle ne faisant que peu de cas de sa santé physique pourvu qu’elle ne gênât point le moment militaire ou politique. J’ai également et surtout côtoyé un de Gaulle mélancolique, sujet aux doutes jusqu’à penser parfois au suicide.

Cette période d’écriture fut donc pour moi passionnante, emprunte d’un profond respect du personnage autant public que privé. L’Histoire s’est éclairée, pour moi, d’une nouvelle lumière.

Comment avez-vous travaillé pour obtenir des informations sur la santé d’une personnalité, qui plus est ancien chef de l’Etat ? Comment avez-vous procédé, sans avoir accès à son dossier médical ? Quels éventuels obstacles avez-vous dû franchir ?

S.D. : Je me suis d’abord bien imprégné du sujet en m’attelant à une vaste revue de littérature, revenant à de nombreux livres de ma bibliothèque en les annotant soigneusement sous le prisme spécifique de ma recherche. J’ai également acquis de nouveaux ouvrages, au grand désespoir de mon épouse veillant au bon ordonnancement de mon bureau…

Ce travail statique s’est très vite avéré insuffisant et j’ai ressenti le profond besoin de me déplacer sur les lieux des théâtres successivement évoqués dans les chapitres.

La rencontre des derniers témoins vivants et des experts des thèmes médicaux abordés, est venue parfaire cette imprégnation.

Sans pouvoir disposer du véritable « dossier médical« , j’ai pu réunir suffisamment d’informations. Dans le respect du secret médical et de la plus élémentaire bienséance, je me suis attaché à reproduire l’essentiel d’une anamnèse par procuration. Je me suis également appliqué à utiliser un langage suffisamment accessible à un large lectorat.

Vous évoquez d’éventuels obstacles que j’aurais pu rencontrer. Pour être franc, à l’annonce argumentée de mon projet, je n’ai rencontré tout au plus que quelques moues dubitatives…

Les mentalités ont aujourd’hui considérablement évolué. Je considère que le « De Gaulle », dernier film de Gabriel Le Bomin (sorti le 4 mars 2020 – NDLR), nous autorise définitivement à nous promener dans le jardin intime du couple de Gaulle, avec le recul respectueux qui leur est dû.

Je suis même persuadé que Charles de Gaulle, lui-même, attendait pareille évolution au titre d’une modernité visant à laisser une empreinte compréhensible pour les futures générations.

Comment s’est passée la rencontre avec le chirurgien-dentiste du Général ? Auriez-vous aimé avoir une personnalité publique de l’envergure du Général comme patient ?

S.D. : J’avais donné une conférence à Colombey-les-Deux-Eglises et j’ai échangé à son issue avec des confrères de Haute-Marne. Ils n’ont pas manqué de me parler du docteur Michel Aubriot, chirurgien-dentiste du Général. Je me suis donc empressé de rencontrer ce grand témoin.

Josette et Michel m’ont accueilli avec une infinie délicatesse. J’ai ainsi vécu par procuration la journée mémorable d’une consultation odontologique dont je relate le déroulement dans les moindres détails. Je consacre ainsi tout un chapitre à la médecine bucco-dentaire qui m’est si chère.

Michel nous a quittés en ce moi de juillet et je dédie ce livre à sa mémoire.

Aurais-je aimé voir Charles de Gaulle sur mon fauteuil ? Comme Michel Aubriot, je m’y serais préalablement préparé, non sans quelques angoisses. Mais devant le malade et l’acte à accomplir, j’aurais endossé pleinement mon rôle dans une distanciation propre à nous préserver de l’affect. J’ai déjà rencontré pareilles circonstances, mais là où je suis plus vulnérable c’est quand je soigne mes enfants. Le « recul » est beaucoup plus difficile à obtenir.

Je n’ai pu profiter d’un « colloque singulier » avec Charles de Gaulle, mais je considère m’en être un peu approché. C’est pour moi un grand honneur.

 


Comment allez vous mon Général_santé du général de Gaulle_ouvrage de Serge Deschaux

Pourvu qu’elle ne gênât point le moment militaire ou politique, la santé n’était pas la préoccupation première du général De Gaulle.

Comme tout un chacun, il dut cependant s’en remettre aux femmes et aux hommes de l’art et on découvre que le sort de la France et du monde s’est aussi joué au chevet du malade ou dans les cabinets médicaux et blocs opératoires.

Un abord qui ne figure dans aucune autre biographie.

 

« Comment allez-vous, mon général ?
Charles de Gaulle et sa santé. »
par Serge Deschaux
Éditions L’Harmattan.

 

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