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Enjeux & décryptages

Les Contrepoints de la Santé - 25 novembre 2025

Les Contrepoints de la santé se penchent sur le PLFSS 2026 : Frédéric Valletoux nous l’avait bien dit !

L’émission Les Contrepoints de la santé, enregistrée le 5 novembre 2025, recevait Frédéric Valletoux, président de la Commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale et ancien ministre de la Santé. Au cœur des échanges : le PLFSS 2026, la dynamique des dépenses de santé, l’instabilité politique et les transformations du modèle social. Voici les principaux points à retenir de cet entretien dense et parfois alarmant… qui a parfaitement mis en lumière à la fois les maux de notre système de santé et ce qui sous-tend le très difficile parcours parlementaire du texte.

 

 

Le débat a mis en lumière un sentiment partagé : le système de santé français traverse une période charnière, où les urgences financières s’accumulent alors même que la vision politique fait défaut. Si les professionnels dénoncent un PLFSS 2026 trop financier, Frédéric Valletoux estime qu’il traduit surtout l’incapacité du pays — du fait de l’instabilité politique — à mener les réformes structurelles devenues indispensables. Durant cet entre-deux, les tensions montent et les fragilités du modèle social se creusent.

 

Un débat parlementaire “respectueux”, mais sans prise réelle sur le texte

Frédéric Valletoux rappelle que pour les textes budgétaires, la copie de la commission n’arrive jamais en séance : l’hémicycle repart toujours du texte initial du gouvernement. Conséquence : le travail de la commission sert surtout à tester des idées, mais ne produit pas de compromis décisifs. Il décrit ce processus comme un “tour de chauffe” plutôt qu’un véritable levier d’action.

 

Un déficit qui explose : 23 milliards en 2025

Le déficit de la Sécurité sociale a plus que doublé en quelques années, pour atteindre 23 milliards d’€ en 2025. La cause principale : des dépenses qui augmentent plus vite que les recettes. Le système reste durablement marqué par le Covid, le Ségur et une dynamique de besoins qui s’intensifie.

 

Le PLFSS 2026, un texte financier conçu sans stratégie politique claire

Selon Frédéric Valletoux, l’instabilité politique depuis 2022 empêche le gouvernement de porter une vision cohérente. Les PLFSS successifs ont été rédigés par l’administration, faute de ministres disposant du temps et de la légitimité politique suffisante pour orienter les arbitrages. Le président de la Commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale confirme que le PLFSS 2026 n’exprime pas de priorités politiques structurantes : « Il ne dessine pas une politique. »

Il cite notamment les PLFSS 2025 et 2026, « proposés par l’administration » au nom de la continuité de l’État, mais sans ligne stratégique. Cela conduit à des mesures techniques, souvent immédiates, sans orientation politique de long terme. Les mesures présentées relèvent avant tout d’un effort d’économies ou de recettes nouvelles, sans transformation du modèle de santé.

 

Pas d’austérité, mais une période “difficile”

Frédéric Valletoux refuse le terme d’austérité : il souligne que les dépenses continuent d’augmenter (ce qui n’est pas le cas en période d’austérité réelle), même si leur progression reste inférieure aux besoins. Le PLFSS 2026 reste toutefois un texte “difficile”, comme le seront les PLFSS 2027 et suivants, tant qu’une réforme plus large du modèle social — légitimée par une élection présidentielle — n’aura pas été engagée.

 

Des tensions fortes sur les mesures touchant directement les professionnels

Les débats sur les dépassements d’honoraires, les rentes ou la “financiarisation du système de santé” réactivent des points de crispation importants.
Frédéric Valletoux reconnaît que le terme “rente”, utilisé dans le PLFSS, peut blesser les professionnels : “Je comprends qu’il puisse choquer.” Mais il estime nécessaire de regarder en face certains mécanismes financiers structurants, notamment dans des secteurs très concentrés.

 

La suspension de la réforme des retraites : impact limité pour la santé

Les conséquences financières pour 2026 du gel de la réforme des retraites seraient “de 100 à 400 millions d’euros”, des montants bien inférieurs à ceux de l’Assurance maladie. Il ne voit pas de lien direct entre régime des retraites et santé dans le cadre de ce PLFSS pour 2026.

 

Un système trop centralisé, qui doit se territorialiser

Frédéric Valletoux reprend des idées anciennes mais toujours valides : territorialisation, décloisonnement, coordination. Le financement actuel reste basé sur des mécanismes obsolètes :

  • Ondam inadapté
  • T2A limitée
  • Cloisons persistantes entre ville, hôpital et médico-social

Il regrette que de nombreux rapports (IGAS, autres) ne soient jamais partagés ni suivis d’effets.

 


Séquence Contrepoints

Programmation pluriannuelle du financement et précipitation pour le futur réseau France Santé

> En dialogue avec Frédéric Valletoux, Sophie Beaupère, déléguée générale d’Unicancer, rappelle l’engagement de l’ensemble des fédérations de santé en faveur d’une programmation pluriannuelle, indispensable selon elle pour sortir des décisions budgétaires annuelles et permettre aux établissements de se projeter. Elle souligne les difficultés générées par l’instabilité actuelle : incapacité d’anticiper des investissements lourds, baisses tarifaires imprévues, frein à l’innovation et à la prévention pour les publics à risque. Elle regrette également le manque de transparence autour des rapports IGAS et des travaux sur la réforme du financement. Pour elle, avancer vers un modèle reposant davantage sur la qualité, la pertinence et les parcours coordonnés est essentiel, mais les financements actuels sont trop marginaux pour y parvenir.

Frédéric Valletoux reconnaît la pertinence d’un cadre pluriannuel, jugeant l’annualité budgétaire « antédiluvienne » et incompatible avec les enjeux de prévention, de recherche ou d’investissements lourds. Mais il rappelle que l’initiative relève du gouvernement, le Parlement étant contraint par les règles de dépense publique. Il déplore par ailleurs la lenteur de l’État et cite l’exemple de l’article 51, devenu selon lui un « parcours d’obstacles » dont les expérimentations peinent à être pérennisées. Pour lui, sans volonté politique forte, les mêmes sujets continueront d’être débattus sans aboutir.

> Lors du deuxième échange de la séquence Contrepoints de l’émission, Philippe Bessé, président de la Fédération des Syndicats Pharmaceutiques de France (FSPF), alerte sur la désertification pharmaceutique, avec cinq villages par mois qui perdent leur dernière pharmacie. Il évoque l’amendement gouvernemental sur l’accès aux soins, qu’il soutient sur le fond, mais critique sa précipitation et le manque de dialogue social. Il appelle à éviter la création d’une nouvelle « couche administrative » et demande que le futur réseau France Santé s’appuie sur l’existant (CPTS) et fasse l’objet d’une véritable négociation conventionnelle.
Frédéric Valletoux partage son inquiétude : toute réforme imposée verticalement risque l’échec. Il réaffirme la nécessité du dialogue, déplore la méthode actuelle et souligne l’empilement d’initiatives dans un contexte politique instable, où les décisions arrivent parfois sans concertation préalable.

 

 


Séquence opinion

L’attachement des Français à la Sécurité sociale et à l’Assurance maladie reste massif

L’analyse du sondage Viavoice pour Les Contrepoints de la Santé d’Adrien Broche met en lumière une opinion publique française traversée par des tensions inédites autour du système de santé, dans un contexte politique et budgétaire jugé de plus en plus complexe. Malgré cette complexité, un point demeure extrêmement stable : l’attachement massif des Français à la Sécurité sociale et à l’Assurance maladie. Pour 80 % d’entre eux, ces institutions sont essentielles, bien au-delà de leur dimension technique : elles constituent un marqueur culturel, républicain et universel du modèle social français. Cet attachement, transversal politiquement et générationnellement, sert de socle à toutes les perceptions exprimées.

Pour autant, l’opinion exprime aujourd’hui des inquiétudes croissantes. Le déficit annoncé de 23 milliards d’euros est jugé « grave » par 55 % des Français, dans un climat de déclassement où les jeunes anticipent une dégradation de leur niveau de vie. Ce sentiment d’urgence financière nourrit un doute majeur sur la capacité de l’Assurance maladie à maîtriser les dérives : 71 % estiment qu’elle lutte insuffisamment contre la fraude, un reproche particulièrement présent chez les seniors.

Cette inquiétude se traduit par un clivage nouveau entre deux priorités : pour 46 % des Français, l’équilibre financier doit primer, quitte à restreindre certaines prestations ; 42 % privilégient la préservation de la couverture universelle. Une fracture presque symétrique, qui témoigne d’une bascule vers davantage de rigueur.

Concernant les mesures budgétaires envisagées, l’opinion se montre nuancée : 54 % jugent raisonnable ou souhaitable la hausse de 3 € du reste à charge, mais 64 % s’opposent à une taxe exceptionnelle sur les complémentaires, anticipant une répercussion directe sur les cotisations. Sur le gel des prestations sociales, l’opinion se divise en trois blocs égaux, même si 6 Français sur 10 n’écartent pas totalement cette option à condition qu’elle soit temporaire.

Enfin, 72 % se disent favorables à une responsabilisation accrue des assurés, mais sans passer par des sanctions financières : l’attente porte davantage sur la prévention et la pédagogie. Globalement, l’étude révèle une opinion plus nuancée et mature que ne le laisse paraître le débat politique actuel.


Télécharger l’enquête Viavoice

 

 

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