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Paroles de partenaires - 11 février 2025

Medi’Nov Connection : tout sur les enjeux de l’industrie du dispositif médical

Medi’Nov Connection : tout sur les enjeux de l’industrie du dispositif médical_ITW David Bilman

Mise en application du règlement européen sur les dispositifs médicaux, prudence des investisseurs, concurrence internationale accrue… en Europe, le secteur du DM est confronté à de nombreux défis. David Bilman, directeur général de First Connection, qui organise notamment, depuis treize ans, le salon Medi’Nov Connection, livre son analyse du contexte actuel et les perspectives qu’il entrevoit pour les années à venir.

Propos recueillis par Nathalie Ratel

 

Quels sont, selon vous, les principaux défis auxquels sont confrontés les fabricants de dispositifs médicaux aujourd’hui ?

David Bilman : Le principal défi, notamment pour les petites structures, dont les start-ups, c’est de tenir dans le temps. Les contraintes sont économiques, d’autant plus que nous observons, depuis deux ans, un niveau de prudence plus élevé de la part des investisseurs, mais pas seulement. Malgré une dynamique très forte autour de l’innovation, avec des initiatives gouvernementales comme France 2030, les entreprises sont en effet contraintes par la mise en conformité au règlement européen sur les DM.

Le texte renforce les exigences de qualité et de sécurité des dispositifs, notamment pour les dispositifs complexes (classes II et III) et les dispositifs connectés. Il impose également, pour la plupart de ceux déjà mis sur le marché, une recertification auprès d’un organisme notifié.

L’objectif est tout à fait louable, mais on voit bien que le processus est complexe, long et coûteux. Cela amène certains fabricants à abandonner la commercialisation de produits pourtant utilisés depuis plusieurs années par les professionnels de santé et les patients… voire, pour leurs nouveaux dispositifs, à se tourner vers le marché nord-américain, par exemple, où ils pensent obtenir une autorisation de la FDA dans des délais plus courts.

 

À l’international, justement, comment percevez-vous l’impact de la concurrence américaine et, désormais, asiatique sur l’industrie européenne des dispositifs médicaux ? 

D.B. : Le marché des dispositifs médicaux aux États-Unis est le plus important et le plus développé au monde. Il représente environ 45 % du marché mondial et est en augmentation constante, ce qui est plutôt une bonne nouvelle pour nos entreprises, car cela représente un potentiel « business » important. Mais le marché américain est également le premier fournisseur de dispositifs médicaux au monde (plus de 6 500 entreprises, en majorité petites et moyennes), avec une gamme extrêmement variée de produits (ophtalmologie, cardiologie, orthopédie, imagerie…). En comparaison, la France représente un peu moins de 1 500 entreprises dans le DM. Le rapport est assez déséquilibré.

En outre, les États-Unis bénéficient d’une économie plus florissante, avec plus de moyens pour mettre en place une politique de croissance externe, souvent assez « agressive » et cherchant à mettre la main sur des pépites, spécifiquement en Europe. Tout ceci dans l’objectif d’acquérir, d’une part, des innovations disruptives et d’autre part, d’accéder plus facilement au marché européen.

Cette stratégie est également celle de la Chine et de l’Inde, qui deviennent des concurrents sérieux et cherchent également à pénétrer le marché européen. L’émergence de ces pays n’est pas une nouveauté dans le monde du DM. En revanche, ce qui est plus récent, c’est leur capacité à innover et à proposer des produits contenant beaucoup de valeur ajoutée, mais toujours à des tarifs de 30 à 40 % moins élevés.

 

Comment faire face ?

D.B. : Il est primordial, même vital, d’innover à tous les étages afin de garder un avantage concurrentiel. Beaucoup de pays en Europe ont mis en place des initiatives de soutien aux entreprises du secteur médical et à l’innovation pour inventer la médecine de demain (France 2030, Plan d’investissement massif en Espagne, …). L’UE a quant à elle lancé le programme Horizon Europe. Les innovations technologiques, notamment digitales, sont très soutenues pour placer l’Europe au sommet de l’innovation médicale.

Mais l’innovation doit aller au-delà de la « tech » : il faut aussi gagner en valeur. Je pense par exemple aux innovations dans le domaine des services médicaux comme dans le domaine organisationnel et sociétal. Les exemples sont multiples : les services en faveur de la santé à domicile afin de favoriser la prévention et le maintien en bonne santé (à l’image de ceux développés par La Poste Santé Autonomie), les services numériques de confiance pour sécuriser les données de santé, la digitalisation des processus au sein des établissements de soins pour libérer du temps aux soignants, privilégier le lien avec les patients et améliorer la qualité des soins…

 

Quelles sont les innovations qui, selon vous, seront les plus impactantes pour le secteur des DM dans les années à venir ? 

D.B. : Je vais me référer au volet « santé » du plan France 2030, qui a retenu deux thématiques d’innovation prioritaires : le « bloc opératoire augmenté » et les « dispositifs médicaux implantables ». Concernant le bloc opératoire augmenté, il y a eu énormément de progrès avec l’utilisation de robots chirurgicaux, de l’intelligence artificielle et des technologies immersives (réalité virtuelle et augmentée), qui permettent de réduire les traumatismes post-opératoires pour les patients et d’améliorer la qualité du geste chirurgical pour les médecins. Certains freins persistent toutefois, liés à la responsabilité ou encore, à la confiance du monde médical et des praticiens dans ces nouveaux usages.

Concernant les dispositifs médicaux implantables, l’objectif est de faire émerger des innovations de rupture : de nouveaux (bio)matériaux biocompatibles, biodégradables ou biorésorbables, afin d’améliorer la tolérance et la compatibilité des dispositifs médicaux ; des solutions de monitoring pour détecter précocement des risques d’incidents ; des améliorations sur la performance et la sécurité de ces dispositifs (résistance à l’usure, prothèses autonomes, connectées et sécurisées…).

Pour atteindre ces objectifs, il faudra stimuler l’innovation et accélérer les rapprochements entre la recherche et l’industrie, voire, pourquoi pas, les rapprochements intersectoriels, puis bien évidemment développer des programmes de formation en milieu hospitalier. À titre d’exemple, les HCL, très présents chaque année sur Medi’Nov, ont mis en place la plateforme Station H, sorte de living lab servant de test et d’expérimentation en robotique médicale et hospitalière, à destination des entreprises qui souhaitent explorer et évaluer avec les utilisateurs finaux de nouveaux concepts.

 

Medi’nov Connection est un rendez-vous désormais bien installé dans le secteur du dispositif médical. Qu’est-ce qui le distingue des autres salons « MedTech » ? 

D.B. : A ma connaissance, Medi’Nov est le seul salon en France mettant en avant un écosystème de l’industrie et de la tech, dédié au monde du médical. La grande majorité de nos exposants sont des industriels qui sont là pour accompagner les fabricants de DM dans leurs développements et leur apporter des solutions durables, autour de sujets tels que les matériaux, l’éco-conception, l’impression 3D, l’électronique et les technologies connectées, les logiciels, l’IA, la photonique, la cybersécurité… Cela va de la R&D, au développement d’un prototype et même jusqu’à l’industrialisation.

 

L’innovation, fil conducteur de Medi’nov 2025

La 13e édition de Medi’Nov Connection aura lieu les 26 et 27 mars 2025 au sein du Centre des Congrès de Lyon. La première journée du Congrès se concentrera sur les innovations digitales au travers de plusieurs conférences et d’une table ronde, avec un état des lieux de leur mise en pratique en 2025. La seconde journée abordera le sujet de l’innovation sous un angle un peu plus macroéconomique, en rappelant les nouvelles tendances. Elle sera également l’occasion, pour la première fois, de présenter des conférences « marchés » animées par des acteurs issus d’autres filières industrielles, rappelant les interactions potentielles avec le secteur médical (Défense, Spatial et Automobile).

Autre point d’attraction, le « Medi’Nov Lab » lancé en 2023. Ce lieu d’échanges situé au sein du hall d’exposition proposera 12 corners start-ups, des vitrines de l’innovation et une vingtaine de présentations « flash » en continu, mettant en lumière des solutions et procédés technologiques innovants.

Enfin, le concours de l’innovation sera également reconduit. Il permettra à 8 start-ups présélectionnées par un jury composé d’industriels, de financeurs, d’institutionnels et d’organes de presse, de présenter à tour de rôle leur innovation sur un timing de 6 minutes. L’an dernier, c’est Robeauté et son microrobot intelligent capable de voyager dans le cerveau qui ont été primés. L’entreprise a d’ailleurs récemment concrétisé une levée de fonds (série A) de 27 millions d’euros pour lancer ses essais cliniques et accélérer la mise sur le marché de leur dispositif, notamment aux États-Unis.

 

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