Points de vue

Tribunes - 23 octobre 2018

En Scandinavie, le programme « 4D » optimise la circulation des données du patient

Par le Pr Jean-Michel Chabot « Un médecin en exercice individuel (isolé) produit des actes, une équipe produit des parcours », synthétise le Pr Jean-Michel Chabot. L’indiscutable primauté de la presse médicale scientifique anglo-américaine pourrait faire tendre à croire qu’en matière de santé et d’organisation des soins, le soleil se lève à l’ouest… il n’en est rien ! Une initiative* en cours de développement autour de la capitale suédoise, Stockholm, l’atteste. C’est le programme 4D.

 

Le programme 4 D est mis en œuvre par deux partenaires institutionnels : d’une part, l’institut Karolinska, université et hôpital – de notoriété internationale, classé 47e/6000 au classement mondial 2014 de l’Université Jiao-tong de Shanghai – et, d’autre part, le conseil régional de Stockholm. 4 D en référence aux quatre diseases ou diagnostics  retenus comme prioritaires en raison leur fréquence et de leur impact sanitaire et social: le diabète de type 2, l’insuffisance cardiaque, l’arthrose et le cancer du sein.

L’idée centrale du programme est qu’un système d’information (SI) permettant une circulation optimale des données entre les différents intervenants, tout au long du suivi des sujets à risque ou déjà malades, porteurs d’un de ces quatre diagnostics fréquents, est la clé du succès.

 

Un système d’information à l’échelon populationnel

En effet, ce système d’information doit, à l’évidence, faciliter la meilleure coordination entre les acteurs soignants, médicaux et sociaux partageant un logiciel métier « intelligent » ; mais aussi permettre aux malades – de plus en plus informés et actifs – soit par eux-mêmes, soit par des objets connectés, d’alimenter ce même système d’information (avec des données qui, par leur haute validité ou bien par leur subjectivité, éclairent des zones quelquefois « hors champ » et pourtant tellement importantes dans le suivi d’un malade).

De même, ce système d’information peut à l’échelon populationnel – et non plus individuel – produire des indicateurs, générer des analyses, afin de nourrir des politiques de qualité/sécurité des pratiques. C’est ce que nous commençons à connaître en France avec plusieurs « registres », thématisés, comme ceux dédiés à l’infarctus du myocarde, ou d’autres sur la sclérose en plaques, ou encore les grossesses à risque…

 

Au service de stratégie active de prévention

Ce traitement populationnel des données peut également être le support d’une stratégie active de prévention, en particulier par la prise en charge anticipée de sujets « à risque élevé » (c’est, par exemple, ce que l’on appelle quelquefois la gestion proactive de sous-groupes ciblés au sein d’une population sur un territoire). De manière plus triviale, des données cliniques issues de ces registres pourraient très bien fournir le rationnel de nouveaux modes de rémunération, comme les bundled payments (« épisode » ou bien « parcours » en France). Mais cela n’est pas spécifié dans les documents sur le programme « 4D » accessibles sur le net.

Enfin, at last but not least, l’excellence en recherche clinique de l’Institut Karolinska est réaffirmée par la constitution de « biobanks » avec tout ou partie de l’ensemble des données produites et analysées. Et au-delà des possibilités encore confuses d’exploitation du « Big Data », le programme suédois identifie des sujets de recherche clinique plus classiques comme la distinction encore incertaine entre deux types d’insuffisance cardiaque ou encore l’évaluation en « vie réelle » de trois stratégies différentes de dépistage d’un état pré-diabétique …

 

Production de connaissances partagées

Ainsi, le programme « 4D », au-delà de la production, la circulation et l’analyse des données via le SI, ambitionne de produire de la « connaissance partagée » et finalement bénéficier aux malades et à leur entourage bien sûr, mais aussi aux professionnels, aux chercheurs et aux industriels.

A noter également que ce programme n’est pas exclusivement orienté sur les seuls soins primaires. Le recours aux spécialistes et aux plateaux techniques y est d’emblée largement intégré, en particulier par un recours banalisé aux diverses possibilités de la « télémédecine ».

 

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* https://internwebben.ki.se/en/programme-4d

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