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L’oeil de la rédaction - 11 juillet 2025

Achats publics durables : l’OCDE presse la France d’accélérer le passage à l’acte

 

Ambitieuse sur le papier, timide sur le terrain : la France peine encore à faire de la commande publique un levier réel de transition écologique. C’est le constat dressé par l’OCDE dans son rapport publié le 20 juin 2025. À l’heure où les marchés publics pèsent plus de 8 % du PIB national, le temps n’est plus aux déclarations d’intention mais à l’action.

 

Un cadre solide… encore trop peu appliqué

Depuis plusieurs années, la France a renforcé ses engagements en matière de marchés publics durables. Le Plan national pour des achats durables (PNAD) et la loi Climat et résilience fixent une ambition claire : intégrer des considérations environnementales dans

 

100 % des marchés publics d’ici 2026

Sur le plan réglementaire, les fondations sont solides. La dynamique s’est déployée dans plusieurs secteurs et des outils d’accompagnement ont été mis en place. Les résultats, pourtant, restent en demi-teinte : seuls 54,7 % des marchés publics de l’État intégraient une dimension environnementale en 2023. Un chiffre encourageant, mais encore insuffisant pour espérer atteindre les objectifs fixés.

L’OCDE souligne la complexité du cadre à mettre en œuvre : les acheteurs doivent souvent combiner exigences environnementales, sociales et économiques dans les différentes phases du marché — définition du besoin, critères d’attribution, exécution. Une tâche d’autant plus difficile que la montée en compétence reste hétérogène et que les ressources manquent.

 

Une montée en compétence devenue urgente

Le rapport met en lumière un point de blocage majeur : le déficit de formation et d’accompagnement des acheteurs publics. Moins d’un tiers d’entre eux (30 %) ont suivi une formation sur les achats responsables au cours des deux dernières années. Les offres de formation, pourtant nombreuses, sont souvent jugées mal calibrées, trop théoriques ou peu accessibles, notamment pour les agents situés en région.

Autre point aveugle : les prescripteurs et les décideurs — pourtant clés dans l’expression du besoin — restent trop peu ciblés par les politiques de sensibilisation. Résultat : le message peine à percoler dans l’ensemble de la chaîne décisionnelle.

 

Six leviers pour accélérer

L’OCDE appelle la France à déployer une stratégie claire de renforcement des capacités, en s’appuyant sur des actions ciblées :

  • Créer une offre de formation labellisée, plus adaptée aux défis concrets des acheteurs ;
  • Structurer une plateforme unique d’information, pilotée par le CGDD, sur les ressources existantes ;
  • Développer des outils de mesure de performance environnementale, comme le coût du cycle de vie ou les bilans carbone ;
  • Intégrer l’achat responsable dans les fiches de poste et les référentiels RH des fonctions publiques ;
  • Mobiliser pleinement les référents achats responsables, pour en faire des relais opérationnels du changement ;
  • Accompagner les acheteurs via un centre d’expertise dédié, porté par la DAE, sur le modèle de ce qui existe au Canada ou au Japon.

 

Une opportunité à saisir dans le secteur santé

Pour les acteurs publics du secteur santé, souvent confrontés à des achats massifs et structurants (équipements, médicaments, construction, alimentation…), ces recommandations résonnent particulièrement. L’intégration du coût global, la réduction de l’empreinte carbone ou le soutien aux filières responsables peuvent transformer l’achat en outil stratégique. Encore faut-il que les conditions soient réunies : formation, outils, gouvernance.

Le message de l’OCDE est clair : la commande publique peut devenir un levier puissant de transformation, à condition d’être traitée comme une priorité politique, managériale et budgétaire.

 


 

Où en sont les pays de l’OCDE ? De belles intentions, mais du retard à l’exécution

Presque tous les pays membres de l’OCDE ont aujourd’hui adopté une stratégie d’achats publics durables. Les textes sont là, les ambitions posées. Mais la mise en œuvre reste, partout, le maillon faible.

Selon l’OCDE, seulement 15 % des marchés publics intègrent effectivement des critères environnementaux dans leurs procédures. Un chiffre qui illustre un paradoxe : le consensus politique sur la nécessité d’achats plus durables existe, mais les administrations peinent à franchir le cap de l’opérationnalisation.

Les freins sont partagés : manque de formation, outils de suivi insuffisants, budgets cloisonnés, déficit de coordination entre services. L’OCDE plaide pour une approche systémique, qui mobilise non seulement les acheteurs, mais aussi les prescripteurs, les décideurs politiques et les fournisseurs.

 

Télécharger le rapport complet de l’OCDE

 

 

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