City Healthcare donne rendez-vous à tous les acteurs de santé et aux leaders de la e-santé le 7 octobre à la Cité des congrès de Nantes. Le congrès fête cette année son dixième anniversaire. L’occasion de revenir avec sa fondatrice, Isabelle Margo, sur l’évolution du rendez-vous, les grandes tendances du numérique en santé et les enjeux de l’édition 2025.
Propos recueillis par Renaud Degas
Dix ans après la création de City Healthcare, comment jugez-vous l’évolution du paysage du numérique en santé ?
Isabelle Margo : Je crois qu’en dix ans, on est passé d’un cercle d’experts à un mouvement beaucoup plus large. Au départ, le numérique en santé était perçu comme une affaire de spécialistes. Aujourd’hui, c’est un sujet incontournable pour tous les acteurs de santé.
Ce que j’observe surtout, c’est la nécessité — encore très forte — de parler un langage commun. On a besoin d’une meilleure compréhension des enjeux, des outils, mais aussi d’une plus grande fluidité et sécurité dans leur usage.
La structuration impulsée par l’État, avec la feuille de route du numérique en santé, a posé le décor. Mais désormais, il faut susciter l’adhésion de tous. Et cette adhésion passe par la formation, la pédagogie, la clarification des usages. On ne peut plus imaginer fonctionner dans un établissement ou une structure sans numérique, mais il demeure encore des freins.
Depuis la naissance de City Healthcare, on a travaillé sur la téléconsultation, des problématiques techniques, des définitions. On a aussi « bloqué » sur les mots. Mais aujourd’hui, l’intelligence artificielle (IA) remet tout en mouvement : elle oblige à revenir aux bases, à redéfinir les usages et à rendre les outils accessibles à tous les professionnels de santé.
Quels seront les grands thèmes mis en avant pour l’édition 2025 ?
I.M. : Cette année, on garde le cap sur ce qui fait notre ADN : City Healthcare est un point de convergence. Mais ce n’est plus seulement le rendez-vous des acteurs de la e-santé, c’est désormais celui de tous les acteurs de santé qui ont intégré le rôle majeur du numérique dans leurs pratiques.
On veut aider à comprendre, utiliser et sécuriser les outils numériques. La cybersécurité, par exemple, reste perçue comme une affaire de spécialistes, alors qu’elle concerne tout le monde. À l’inverse, la souveraineté des données de santé devient un sujet central : comment les protéger, les valoriser de façon éthique, sans se faire « braquer » la valeur de ces données de santé qui sont très convoitées ?
Un autre thème fort cette année, c’est bien sûr l’intelligence artificielle. En un an, on a vu une explosion de l’intérêt autour de l’IA générative. Certains professionnels l’utilisent déjà pour leurs comptes rendus ou la structuration de la voix du patient. Ce sont des usages simples, concrets, qui montrent la voie. Le jour où ces outils seront vraiment fluides et sécurisés, l’adoption sera massive.
Le salon cherche à combiner innovation et usages au quotidien. Comment travaillez-vous cette articulation ?
I.M. : C’est un axe que je porte depuis le début. Le numérique est une porte d’entrée vers l’innovation, mais il faut que cette innovation soit ancrée dans les usages quotidiens. C’est ce qui la rend utile et durable.
Je suis très attentive à ce qui se fait sur le terrain, notamment à la Fabrique de l’innovation santé à Nantes, hébergée par le CHU. Elle permet de tester des solutions issues de professionnels de santé ou de startups, avec un appui du réseau d’achat public Resah. Cette coopération est essentielle : une innovation ne vit que si quelqu’un peut l’acheter, l’expérimenter et la diffuser.
On a aussi relancé les Tremplins de la e-santé, un concours destiné à mettre en lumière des solutions innovantes, pas encore forcément financées. Les lauréats viendront pitcher leurs projets devant un réseau d’acteurs prêts à les accompagner. C’est un moyen très concret de faire émerger de nouvelles dynamiques.
Dans un écosystème désormais très dense en événements e-santé, qu’est-ce qui distingue City Healthcare des autres rendez-vous ?
I.M. : D’abord, notre antériorité : être parti tôt nous a donné une vraie maturité. Mais surtout, notre ancrage territorial. City Healthcare s’est construit en lien étroit avec les acteurs de terrain, au début à Nancy et depuis trois ans à Nantes, les établissements, les professionnels qui font remonter leurs expériences, leurs réussites, leurs difficultés. On n’est pas dans une logique purement intellectuelle, mais dans la réalité des usages.
C’est aussi un forum vivant, un lieu de rencontre entre des profils très variés : un radiologue, un ingénieur, un médecin généraliste, un expert de la télésurveillance ou de l’IA… C’est cette diversité qui fait la richesse du salon.
Et puis, je crois qu’on garde une sensibilité journalistique, mon métier d’origine : rendre les sujets accessibles, sans les appauvrir. Le numérique en santé doit rester un espace de dialogue, pas un jargon.