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L’oeil de la rédaction - 10 juillet 2025

Mais pourquoi Jérôme Leleu a-t-il lancé le média vidéo « l’Œil de la e-santé » ?

La majorité des acteurs de la e-santé connait Jérôme Leleu, entrepreneur prolixe. Fondateur et directeur général d’Interaction Healthcare et de SimforHealth, il est bien connu sur LinkedIn grâce à sa veille sur le secteur. Il a créé, il y a un an, L’Œil de la e-santé, qui vient prolonger le rendez-vous annuel des Grandes Tendances de la e-santé dont il est également à l’origine. Mais qu’avait-il derrière la tête en lançant L’Œil de la e-santé, qui se situe entre média professionnel et contenu pour les réseaux sociaux ? Quel est le but de cette initiative ?

Propos recueillis par Renaud Degas

 

 

Pourquoi avoir lancé L’Œil de la e-santé ?
Jérôme Leuleu : Tout est parti d’un constat partagé avec notre communauté. Depuis dix ans, nous organisons chaque mois de janvier l’événement « Les Grandes Tendances de la e-santé », devenu un rendez-vous incontournable. Mais après chaque édition, la même remarque revenait : « C’est passionnant, mais il faut attendre un an pour refaire le point. » Il y avait une frustration face à l’accélération de l’actualité numérique en santé. J’ai compris qu’il manquait un relais continu, capable d’apporter des éclairages réguliers et accessibles à tout l’écosystème.

Plutôt que de multiplier les événements, j’ai voulu créer un média agile, asymchrone, capable de faire vivre cette veille tout au long de l’année. Et puisque je crois beaucoup à la vidéo comme vecteur de partage, j’ai structuré L’Œil de la e-santé autour de formats courts, incarnés, clairs. Le lancement s’est fait en douceur, à l’écoute de l’écosystème. Un an plus tard, l’accueil est très positif.

 

Ce média est-il une simple extension des Grandes Tendances ou a-t-il vocation à exister de façon autonome ?
J.L. : L’Œil de la e-santé est né dans l’écosystème des Grandes Tendances, mais il s’est très vite affirmé comme un média à part entière. Bien sûr, il y a des passerelles éditoriales, des synergies naturelles. Mais son développement s’émancipe progressivement. J’y retrouve ma double casquette : entrepreneur du numérique en santé depuis près de 20 ans, et observateur engagé. Et surtout, c’est une équipe derrière ce média, pas seulement ma voix.

 

Vous revendiquez une grande liberté en termes de programmation. Cela vous positionne-t-il en marge des médias de presse traditionnels ?
J.L. : J’assume pleinement cette liberté, notamment dans le rythme et les formats. Il peut se passer trois semaines sans publication, puis plusieurs contenus enchaînés quand l’actualité ou une thématique s’y prête. Nous ne sommes pas dans une logique de flux continu, mais de pertinence. Cela dit, nous appliquons une vraie exigence éditoriale. Je ne suis pas journaliste, je ne prétends pas l’être, mais je veille à la rigueur des informations, au décryptage, à l’éthique. Nous avons aussi un firewall clair entre contenus et partenaires. Et si demain l’évolution du média nécessite un statut de presse, nous y réfléchirons.

 

Justement, certains vous voient comme un acteur qui contribue à redéfinir le paysage médiatique en santé. Est-ce une ambition assumée ?
J.L. : Je ne cherche pas à « bousculer » la presse, mais il est clair que les modèles traditionnels peinent à suivre le rythme des transformations numériques. L’information en santé se reconfigure. De plus en plus d’acteurs prennent la parole eux-mêmes, parfois de manière militante, souvent avec passion. L’Œil de la e-santé, c’est cette volonté de partager des récits, d’illustrer les mutations, sans posture technophile naïve. Le numérique n’est ni une fin en soi, ni la solution à tout. Il faut en comprendre les usages, les limites, les implications éthiques.

 

Qui est votre public cible ?
J.L. : Notre cœur de cible, ce sont les professionnels de l’écosystème santé : institutionnels, ministères, agences, start-ups, industriels, soignants. Ils sont environ 27 000 à nous suivre, via les Grandes Tendances, la newsletter ou les réseaux. Mais de plus en plus, des soignants de terrain, des patients engagés nous rejoignent. Une infirmière à Lille, un pharmacien en région, qui veulent comprendre ce que le numérique change concrètement dans les parcours de soins. On n’est pas sur du grand public, mais sur un public éclairé, qui a soif de décryptage.

 

Et votre ligne éditoriale ? Comment la définiriez-vous ?
J.L. : L’Œil, c’est un regard. Il peut être précis, focalisé sur une start-up ou un usage, ou au contraire panoramique, systémique. Notre ligne éditoriale repose sur cette alternance de zooms et de visions d’ensemble. On a plusieurs formats : le « focus start-up », l’« œil de l’expert », et l’« interview en marchant » — un format spontané né un jour sur un salon, qui donne un ton à la fois libre et profond à nos échanges. On y parle d’innovation, mais aussi d’éthique, d’équité, de désinformation. Nous voulons contribuer à une lecture éclairée du numérique en santé.

 

Le documentaire sur l’oncologie numérique illustre bien cette ambition. Quel message souhaitez-vous transmettre à travers ce type de production ?
J.L. : Si je devais résumer : donner de l’espoir aux patients et aux soignants. Montrer que le numérique, bien pensé, bien intégré, peut améliorer les parcours, faciliter l’accès à l’innovation, renforcer le lien soignant-soigné. Mais sans angélisme. Dans ce documentaire, on parle aussi de fractures numériques, d’inégalités d’accès, de données mal partagées. Il s’agit de donner une lecture systémique, d’associer tous les acteurs — chercheurs, industriels, institutionnels, soignants. Le numérique en santé est un sujet complexe, et c’est justement cette complexité que nous voulons rendre lisible.

 

En somme, vous vous positionner en militant de la e-santé plus qu’en observateur…
J.L. : Oui, sans doute. Mais un militant lucide. Ce que nous faisons avec L’Œil de la e-santé, c’est mettre notre énergie, notre créativité, notre réseau au service d’un dialogue exigeant. Entre passion et rigueur, entre innovation et réflexion. Avec, toujours, cette envie de partager.

 

 

Voir le premier documentaire de l’Œil de la e-santé

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