Avec sa seconde édition du Tour de France de l’innovation en santé, l’Agence de l’Innovation en Santé (AIS) poursuit une ambition claire : faire émerger, à partir des territoires, une vision partagée des enjeux en ce domaine. Chaque étape donne la parole aux acteurs locaux sur une thématique stratégique choisie en région. À Dijon, c’est la question de l’attractivité qui a été mise en débat. Mégane Lesaignoux, cheffe de projet à l’AIS, revient sur la méthode, les enseignements et les perspectives de cette démarche ancrée dans le réel.
Propos recueillis par Renaud Degas, avec Maellie Viezen
Pourquoi l’AIS a-t-elle lancé ce nouveau Tour de France ?
Mégane Lesaignoux : Lorsque l’AIS a été créée, nous avons immédiatement voulu aller à la rencontre des acteurs sur le terrain. Le premier tour, en 2022-2023, nous a permis d’identifier les besoins récurrents, les freins partagés, les spécificités régionales… Il a directement alimenté notre feuille de route, qui reste aujourd’hui notre socle stratégique. Avec cette deuxième édition, lancée en avril dernier, nous passons à une approche plus ciblée. Nous avons opté pour des colloques thématiques en co-construction avec les territoires. Chaque région a pu choisir parmi une douzaine de sujets issus de notre feuille de route – attractivité, financement, recherche clinique, transformation écologique, prévention, etc. Ce format nous permet d’aller plus loin dans les échanges, en croisant les dynamiques locales avec une vision nationale.
Quelle a été la thématique abordée à Dijon, la troisième étape de ce tour de France qui doit en compter 12 d’ici juin 2026 ?
ML : La région Bourgogne-Franche-Comté a choisi de traiter le thème de l’attractivité. C’est un sujet qui sort un peu des thématiques habituelles sur l’innovation en santé, mais qui a été identifié localement comme un véritable enjeu d’amélioration. L’idée était d’explorer les leviers permettant de renforcer l’attractivité du territoire pour les entreprises innovantes, les talents et leurs familles. Ce choix prend tout son sens dans une région confrontée à des difficultés démographiques et à une forte concurrence, notamment avec la Suisse toute proche.
Plusieurs initiatives ont été présentées, comme le développement de la marque employeur ou des dispositifs pour mieux accueillir les salariés et leurs proches. Ce qui en est ressorti, c’est surtout le besoin de mieux coordonner les actions existantes avec un vrai enjeu à créer des synergies entre les différents niveaux – entreprises, collectivités, structures d’accompagnement – pour renforcer l’attractivité du territoire et favoriser l’émergence de projets innovants.
« Personne n’innove seul : les entreprises, les institutions, les collectivités doivent travailler ensemble ! »
Quels enseignements retenez-vous de cette journée ?
ML : Plusieurs messages forts ont émergé. Le premier, c’est que l’attractivité repose sur une logique de synergie territoriale. Personne n’innove seul : les entreprises, les institutions, les collectivités doivent travailler ensemble, sans silos. Cette coordination est un facteur d’attractivité à part entière.
Deuxième point : l’organisation du travail est un levier stratégique. Les entreprises qui proposent de la souplesse (mobilité interne, télétravail, implantation multi-sites) sont plus en capacité d’attirer et fidéliser. Cela répond à des attentes très concrètes, notamment post-Covid.
Troisièmement, on voit bien que la formation joue un rôle central. Pouvoir se former et former en interne, c’est renforcer l’écosystème. Cela vaut pour les dispositifs médicaux, très présents dans la région, mais aussi pour les métiers du numérique, du réglementaire ou de l’IA. Enfin, le lien entre innovation et entrepreneuriat a été largement évoqué. Il faut des relais, des accompagnements, des passerelles pour aider les idées novatrices à devenir des projets viables.
À l’AIS à quel public vous adressez-vous ? Et avec quelles attentes ?
ML : Nous avons eu à Dijon environ 120 participants, avec un mélange équilibré entre profils locaux, nationaux, industriels, institutionnels… Ce qui est important, c’est de faire se croiser ces mondes.
Du côté des innovateurs que nous accompagnons, ils sont aujourd’hui environ 500 à être passés par notre guichet unique. Ce sont à 65 % des TPE de moins de 10 salariés, majoritairement dans le dispositif médical. Et très souvent, ils viennent vers nous avec une première question : « Comment financer mon projet ? » Mais très vite, on les aide à prendre conscience que les enjeux réglementaires, d’accès au marché, de stratégie économique… sont tout aussi cruciaux. Ce travail de pédagogie fait partie intégrante de notre mission.
« Il ne faut pas oublier que l’innovation en santé est profondément territoriale, elle s’ancre dans des filières locales, dans des savoir-faire historiques – la microtechnique à Besançon, la fabrication à Dijon, l’IA à Toulouse, l’oncologie à Lyon… »
Quel est l’impact attendu de ce Tour de France sur le fonctionnement de l’AIS ?
ML : Nous voulons que ces événements permettent non seulement de diffuser de l’information utile, mais aussi de faire remonter les besoins. Il ne faut pas oublier que l’innovation en santé est profondément territoriale, elle s’ancre dans des filières locales, dans des savoir-faire historiques – la microtechnique à Besançon, la fabrication à Dijon, l’IA à Toulouse, l’oncologie à Lyon… Chaque territoire a ses forces. Pourtant à Dijon, à Marseille, à Bordeaux, nous avons pu identifier des blocages partagés, des besoins d’appui plus ciblés ou au contraire des réussites qu’on pourrait capitaliser. Cela enrichit notre action, alimente notre veille, et devrait, à terme, faire évoluer les contenus de notre accompagnement.
Le rôle de l’AIS, c’est de créer des ponts, d’apporter des repères et de permettre à ces initiatives de rayonner à l’échelle nationale et internationale. Nous voulons aussi publier des synthèses des étapes, pour partager ces retours au-delà de chaque événement.
A savoir
Prochain rendez-vous du Tour de France de l’AIS : 2 octobre 2025 – Innover au service de la prévention, importance de la démonstration de la valeur | Paris – Île-de-France.
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