Points de vue

Les Contrepoints de la Santé - 30 mars 2018

L’hôpital du futur ? Plus agile, plus numérique, plus humain, plus ouvert

Synthèse  par Alexandre Terrini – Le 27 mars 2018, Frédéric Boiron, Directeur général du CHRU de Lille, et le Professeur Jean Sibilia, Président de la Conférence des Doyens des Facultés de médecine et chef du service de rhumatologie du CHU de Strasbourg, se sont prêtés à l’exercice du petit déjeuner-débat des Contrepoints de la santé. Mission : imaginer les contours de l’hôpital du futur, mais aussi regarder ce qu’il faut résoudre aujourd’hui pour y parvenir dans de bonnes conditions. Les deux hommes, l’un représentant de l’administration hospitalière, l’autre du corps médical et des universitaires, imaginent une démarche de co-construction plutôt que le Grand soir.

 


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L’hôpital de demain, tour de contrôle hypersophistiquée à distance ou technostructure de proximité ? Frédéric Boiron penche assurément pour la première option : « Il ne faut pas se focaliser sur les bâtiments. Demain, on peut imaginer l’hôpital sans les murs. Peut-être que l’hôpital sera aussi plus immatériel, plus en réseau, plus dans une logique de partenariat ouvert. Peut-être aussi que l’hôpital universitaire pourra, à l’avenir, délivrer des labels à toutes sortes de structures. » En clair, « les CHU doivent animer un territoire. Ils le faisaient depuis longtemps et c’est en quelque sorte devenu une réforme légale. Cela les pousse à se voir non pas comme un bastion, mais comme un maillon d’une chaîne. La logique hospitalo-universitaire doit se diffuser et ne pas être la propriété ou l’exclusivité de l’établissement CHU. » Avec, en toile de fond, un double postulat : à l’hôpital, personne ne fait rien seul, mais l’hôpital lui-même ne fait plus rien seul. C’est pourquoi le rôle des CHU en matière de coordination est appelé à se renforcer, en particulier via la labellisation.

Ouvrir davantage le système

Pour Jean Sibilia, penser l’hôpital de demain implique ; en amont, de répondre à une interrogation fondatrice : « quelle à la santé que l’on veut donner collectivement ? » Sachant que « l’argent public ne suffira pas à développer le modèle de santé idéal que souhaite le citoyen », mais aussi que tout ne va pas si mal, tant s’en faut. En effet, le Président de la Conférence des Doyens en est convaincu, « on ne peut pas faire mieux que ce que l’on fait, c’est-à-dire à allier soins, formation et recherche ».

D’ailleurs, pourquoi être foncièrement pessimiste quand on peut être raisonnablement optimiste ? Frédéric Boiron refuse de voir l’hôpital en « crise continue » quand bien même des tensions existent et que le modèle pose question. Ce qui ne signifie pas qu’il soit vicié à la base. Simplement, il suffirait, encore une fois, de l’ouvrir davantage, par exemple en permettant à des praticiens « d’avoir des épisodes dans leur carrière » qui les verraient tour à tour se consacrer davantage au soin, à la Recherche etc. Pourquoi ne pas également donner l’opportunité à des médecins d’hôpitaux non universitaires de participer à des activités de recherche et d’enseignement ?

Faire preuve « d’intelligence adaptative »

En somme, le problème n’est pas dans le « toujours plus de moyens » octroyés à l’hôpital, mais bel et bien dans la répartition des ressources et la ventilation des missions confiées aux différents établissements selon leur niveau. Avec, comme corollaire, assure Frédéric Boiron, le développement et la réorganisation des soins de ville dans un « partenariat étroit » avec les hôpitaux. Bref, il importe de faire preuve, selon les mots de Jean Sibilla, « d’intelligence adaptative » à l’heure où « l’hôpital doit s’adapter aux évolutions de la médecine dans un temps qui n’est pas le sien ».

L’Université pas assez présente dans les CHU

Mais les organisations ne sont rien sans les hommes qui les font vivre. À cet égard, Frédéric Boiron se veut, là encore, plutôt encourageant. À ses yeux, les relations entre les personnels des établissements et leur direction sont « bonnes ». La clé du succès : bannir toute vision pyramidale pour privilégier le travail collégial, le management dans une logique d’équipe et le copilotage entre le Président de la CME, le Doyen, le Directeur général et les responsables soignants.

Un discours quelque peu angélique pour Jean Sibilla qui dénonce « une crise de gouvernance au sein des établissements ». Et de plaider pour que l’on « réuniversitarise l’hôpital public » car « l’Université n’est pas assez présente au sein du CHU ». La preuve : « l’érosion de la dynamique projets dans la plupart des établissements » et l’absence de concertation notamment avec le Comité de recherches en matière biomédicale et de santé publique (CRBSP). Plus largement, « si le système est aussi dépendant des relations interhumaines, c’est que l’incitation par la loi est trop faible ».

« Des textes détaillistes qui vont trop loin »

Que nenni, « elle est trop forte, rétorque Frédéric Boiron. Aujourd’hui, on est dans des jeux de postures. » En cause, le dialogue social réglementé et des « textes détaillistes qui vont trop loin dans la définition des organisations internes ». Dans ces conditions, il est, au contraire, impératif d’innover en envisageant un management protéiforme et en faisant en sorte que la responsabilité budgétaire soit partagée par un collectif, ce qui « changerait la nature de certaines relations », prédit le DG du CHRU de Lille. De même, pourrait-on systématiquement confier la direction de la recherche clinique à des universitaires, suggère Jean Sibilia.

Imaginer des formes différentes de financement

L’hôpital de demain passe également par à une refonte de son financement. Dans le collimateur, la T2A et ses deux défauts bien connus : pousser à faire du volume et être un piège anti-coopération puisque chacun a besoin de privilégier ses intérêts en dispensant un maximum d’actes pour augmenter ses ressources. « Il faut donc imaginer des formes différentes de financement, préconise le Président de l’Association des directrices et des directeurs d’hôpital (ADH). Certaines activités se prêtent mieux à la T2A, d’autres au forfait du parcours. La question est de savoir comment on veut répartir les ressources car l’Ondam, lui, ne changera pas. » Et ce, « sans désespérer du lien ville-hôpital qui est majeur et fort ».

Des CHU en compétition en permanente

Jean Sibilia, qui souhaite la création d’Ondam recherche et innovation pour l’hôpital et l’ambulatoire, acquiesce : « Ne faut-il pas revenir à l’esprit de 1958 et se dire que le CHU, qui doit être à la tête d’un réseau de soins sur un territoire, doit se concentrer sur du recours que d’autres ne veulent pas faire et leur faire faire des actes de soins premiers qui seraient effectués de façon aussi bonne, mais moins coûteuse ? Le CHU est en compétition en permanente avec ses voisins. Dans ces conditions, comment voulez-vous que les GHT fonctionnent si l’on ne change pas les règles ? » En clair, le Président de la Conférence des Doyens appel à en finir avec un système de rétribution où l’on paye l’hôpital pour ce qu’il a réalisé et à ouvrir la porte aux collaborations avec le privé. Le tout dans un contexte d’interconnexion croissante sous les auspices de l’essor du numérique.

 

 


Organisé et animé par Philippe Leduc, Pascal Maurel (Ortus) et Renaud Degas (La Veille des acteurs de la Santé – Presse Infos +) au Restaurant Opéra.

En partenariat avec Le Groupe Pasteur Mutualité, Groupe Point Vision, MSD, Carte blanche, Inter Mutuelles Assistance, et BVA.


 

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