Points de vue

Tribunes - 28 avril 2020

L’après COVID-19, épisode 2 : l’hôpital a la clé de sa refondation

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Tribune de Philippe Leduc, journaliste et directeur du Think Tank Economie Santé – L’hôpital fait face de façon exceptionnelle à la pandémie Covid-19, inédite, sévère et rapide. Avec une efficacité et une abnégation remarquables. Cette capacité d’adaptation vigoureuse en situation d’urgence montre avec éloquence les talents de l’ensemble des équipes. Un atout pour l’après-virus. Emmanuel Macron a annoncé un plan « massif d’investissement ». Mais cela ne suffira pas. C’est à une refondation qu’il faut s’atteler.

Pendant la crise, il faut penser à l’après car cela rassure et aussi structure le présent. Les hospitaliers – si jamais ils ne l’avaient pas déjà ont conquis – ont renforcé une nouvelle légitimé, celle de la réactivité aux événements destructeurs. En quelques semaines, ils ont multiplié dans les zones les plus tendues comme l’Ile-de-France, les Hauts-de-France ou le Grand Est les lits de réanimation par deux, par trois, par quatre.

Cette transformation en si peu de temps, qui aurait imaginé que cela soit possible ? Les interventions des soignants dans les média sont impressionnantes de calme, d’esprit d’organisation et de détermination. Les hospitaliers jusqu’à cette crise sans précédent étaient dans la revendication réclamant avant tout plus de moyens. Mais là, ils ont transformé leur organisation avec les moyens du bord, sans préalable, avec le seul souci de sauver des vies.

Alors quand on pense à l’après : cette énergie, cette vision, ce talent de trouver rapidement les bonnes solutions, il faut absolument les mettre à profit pour sortir l’hôpital de la glu dans lequel il est enfermé. Ce qui est encore plus remarquable, c’est que les soignants ont travaillé main dans la main avec les directions hospitalières et les Agences régionales de santé, sans se poser la question de savoir qui est le chef, qui a la prérogative de commander.

Une gouvernance collégiale

C’est cet esprit qu’il faut mobiliser pour qu’à la sortie de crise, l’hôpital refonde l’hôpital. L’investissement massif et la revalorisation des carrières et donc l’attractivité des établissements annoncés par le Président de la République sont bien sûr, si ce n’est un préalable, une nécessité impérieuse mais cela ne suffira pas, loin de là. Ce qu’il faut, c’est ce travail collectif où chacun trouve sa place, les médecins bien sûr qui ont été éloignés de la gouvernance mais aussi tous les soignants et les directions qui doivent apporter leurs connaissances et leur savoir-faire complémentaires à l’évidence de celles des soignants.

Stop aux luttes de pouvoir. Pour créer une gouvernance épanouissante et efficace sur laquelle travaille d’ailleurs une mission récemment nommée par la ministre de la santé – Agnès Buzyn – il faut casser les codes du monde ancien et s’appuyer sur le leadership associé des équipes médicales et de direction.

Certes, former les soignants au management de proximité et aux grands enjeux de la gestion et impliquer toutes les directions dans les objectifs de santé publique, cela prendra du temps. Mais il faut lancer les bases de cette nouvelle gouvernance très rapidement pour ne pas laisser retomber cet exceptionnel élan de collégialité et d’efficacité.

Repenser le financement

Cela dit, cette rupture ne sera efficace que si elle concerne aussi le financement des soins et la fameuse tarification à l’activité (T2A) qui est inflationniste et qui donc induit chaque année depuis une dizaine d’années une baisse des tarifs pour contenir la croissance des coûts liée à l’augmentation des volumes. La recherche de productivité et l’accroissement de la mobilité des soignants épuisent les personnels.

L’actuel ministre de la santé – Olivier Véran – connait bien cette aberration pour y avoir consacré un rapport en 2017 et il n’hésitait à dire qu’il faut « tout d’abord bien soigner, ensuite bien veiller à la bonne utilisation des ressources consacrées aux soins ». Il faut casser rapidement ce cercle infernal, au moins pour les pathologies chroniques. Le codage des actes qui sert de base à la T2A est un outil de connaissance mais ne doit pas être l’alpha et l’oméga du financement. Sinon, c’est la course à l’acte et à l’optimisation du codage. Il est urgent de remettre de la souplesse et de la logique de santé.

La pertinence des soins

D’où l’importance de mener cette rupture en même temps qu’un autre défi : celui de la pertinence des soins qui permettra en outre de dégager de nouveaux moyens financiers. L’un ne va pas sans l’autre. C’est de front que doivent être menés la réforme du financement et le renforcement de la pertinence des soins. Pour que l’hôpital redevienne ou devienne ce lieu d’expertise et de qualité où les fonds publics sont utilisés à bon escient sans rente de situation ni gaspillage.

Réforme du financement et pertinence des soins sont les deux mamelles qui doivent irriguer simultanément les esprits et le dynamisme de chacun.

Mais bien sûr tout cela ne suffira toujours pas si l’amont de l’hôpital ne fait pas aussi sa révolution. Les responsables des soins primaires, de ville, de proximité et spécialisés ne doivent plus contourner l’obstacle et là aussi s’inscrire dans ce nouveau monde qui naitra de la crise sanitaire la plus grave depuis un siècle.

Lire « L’après COVID-19, épisode 1 : quel système de soin après le virus ? »

 

Cette tribune a été initialement publiée sur le blog du Think tank Economie Santé. Ce blog décrypte les temps forts de l’actualité de l’Economie Santé et les débats de la quarantaine d’experts membres du Think Tank Economie Santé. Ils livrent leurs propositions pour améliorer la qualité des soins et optimiser les dépenses en se focalisant sur le rôle et la responsabilité de chacun des acteurs du système de soins et de santé.

1 commentaire sur “L’après COVID-19, épisode 2 : l’hôpital a la clé de sa refondation”

  1. bonjour
    vous ne parlez que de l’hôpital absolument pas des établissements de santé prive étranglés par la contrainte budgétaire
    par l ondam débile crée par jupe
    des honoraires ridicules jamais revalorisés
    des contraintes et autres normes ARS. issues de loi de santé mortiers
    la crise covid a démontré ce qu il faut faire
    supprimer les administratifs redondants
    supprimer la lutte debile et improductive prive public
    faire travailler les deux ensembles reformer le financement de la Secu plus par les cotisations sur le travail mais par l impôt
    et vous ne parlez pas des plus grands profiteurs de la crise les mutuelles
    quelle aide apportent elles avec leurs 40 milliards de CA aucune
    voila ce qu’il faut reformer
    quel chantier
    fhonorat co président du bloc (anesthésiste réanimateur)

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