Points de vue

L’oeil de la rédaction - 21 avril 2020

L’hôpital face au coronavirus COVID-19 : maintenant et après

Jeudi 16 avril, l’Université du change management en médecine a organisé une nouvelle web-émission sur le thème « l’hôpital face au COVID-19: maintenant et après? », dont nous étions partenaires média. L’occasion de faire un point de situation sur l’épidémie de coronavirus en France – où il a déjà causé la mort de plus de 20 000 personnes – et de commencer à entrevoir « l’après », avec le Pr Jean-Yves Blay, président d’Unicancer, Lamine Gharbi, président de la Fédération de l’hospitalisation privée (FHP), et le Pr Jean-Louis Touraine, député du Rhône et Vice-Président de la Fédération hospitalière de France (FHF). À leurs côtés : Pascal Maurel (directeur de l’UC2m mais également membre du comité de pilotage éditorial de la Veille des acteurs de la Santé), Dominique Maigne (co-président de l’UC2m et président de l’ANAP) et le Pr Jean Sibilia (co-président de l’UC2m et doyen de la faculté de médecine de Strasbourg).

 

La situation du Covid-19 reste « très tendue »

Malgré la sensation « d’un plateau » et « que cela s’améliore » en France, la « situation, aujourd’hui, reste très tendue », pointe le Pr Sibilia, co-président de l’UC2m et doyen de la faculté de médecine de Strasbourg. Certes, de nombreuses régions restent peu touchées. Néanmoins, au CHU de Strasbourg, le 16 avril, il y avait « encore plus de 800 malades Covid+ dans les lits de MCO et de chirurgie » et « des centaines de malades en réanimation », évoque-t-il. « Clairement, on est parti pour une longue aventure ».

Au vu des « dizaines de milliers de malades Covid+ passés en réanimation » dans l’Hexagone, il y aura de « nouvelles maladies chroniques que nous allons devoir rééduquer pendant des semaines, des mois, des années peut-être », ajoute-t-il. De fait, « après quinze jours en service de réanimation, les patients sortent avec 40 % de masse musculaire en moins », précise Lamine Gharbi, président de la FHP, ce qui suppose une prise en charge par la suite pour qu’ils puissent récupérer.

De plus, des spécialistes ont constaté des lésions pulmonaires chez certains patients guéris du coronavirus Sars-Cov-2. Une récente vidéo en 3D réalisée par des chercheurs de l’hôpital universitaire George-Washington aux États-Unis montre en effet que les poumons durement infectés ont subi des dégâts sur le long terme, ce qui peut détériorer les capacités d’un patient à respirer dans le futur, selon le docteur américain qui a participé à cette étude, Keith Portman.

Après le Covid-19, la crainte d’une « 2e vague » 

« Je m’occupe d’un secteur de 15 lits de post-urgence, poursuit le Pr Sibilia. Or on voit,  aujourd’hui, une avalanche de personnes, entre 75 et 95 ans, qui arrivent car ils décompensent pendant le confinement, faute de contact avec leur famille ou leur médecin traitant. » Ils « tombent à domicile et s’infectent », « décompensent un diabète »… le professeur a ainsi comptabilisé, lors de son dernier week-end d’astreinte, « 6 à 10 admissions par jour » pour ces motifs.

La prise en charge des malades chroniques est également « un enjeu actuel du Covid-19″, glisse le Pr Jean-Yves Blay, président d’Unicancer. Si « nous n’accueillons pas ces patients, dans les cabinets médicaux ou les hôpitaux », nous courons le risque d’une « crise d’une autre ampleur, peut-être plus étalée, mais d’une autre ampleur, en termes de sévérité et de cas graves ».

C’est d’ailleurs pour cette raison que la Haute Autorité de santé (HAS) a rappelé, ce mois-ci, quelques recommandations de base à l’attention des patients chroniques, parmi lesquelles de continuer à prendre leurs traitements habituels, de ne pas modifier/arrêter leurs traitements sans l’avis de leur médecin ou encore de ne pas reporter/refuser une consultation ou des soins nécessaires à cause du Covid-19.

Reste, enfin, la « 3e vague », poursuit le Pr Sibilia : celle liée à la mise en stand-by de la « chirurgie tiède », c’est-à-dire de toutes les opérations chirurgicales programmées et non urgentes (reportées jusqu’à nouvel ordre pour donner la priorité à la prise en charge des patients atteints du Covid-19 et des urgences), en cancérologie, hématologie, orthopédie… Le risque ? Une « suractivité majeure » à la reprise, alors que les hôpitaux seront « obligés de maintenir un dispositif réactif qui devra être capable d’encaisser à l’automne la vague du Covid et la vague de la grippe » saisonnière. « L’équation est aujourd’hui diabolique », notamment dans les régions déjà « sous tension », assure le Pr Sibilia.

Déconfinement et post-pandémie de Covid-19

« Le niveau de mobilisation et de solidarité de tous les soignants et de toutes les composantes de l’hôpital » et ce, « en dépit de toutes les difficultés rencontrées », est « assez exceptionnel », salue le Pr Jean-Louis Touraine, député du Rhône et Vice-Président de la FHF. La flexibilité, l’agilité monde médical et paramédical, mais aussi la coopération publique/privée, ont été frappantes.

Saluant ce « bel exploit », les invités de l’émission insistent, pour l’avenir, sur l’importance de « remédicaliser la gouvernance des hôpitaux », la « gouvernance médicale de terrain » étant jugée « beaucoup plus efficace » que la gouvernance top-down. Un première étape clé, selon eux, pour préparer la phase du déconfinement progressif et la phase post pandémique. Ce sera d’ailleurs, selon le Pr Blay, « une manière de sortir prositivement de la situation dans laquelle nous sommes et avons été ».

Lamine Gharbi insiste aussi sur la « nécessité », pour les patients, « de reprendre le chemin des cabinets médicaux, des établissements de santé, des services d’urgence des cliniques et des hôpitaux ». Selon lui, « il ne faut plus attendre » et « rassurer les concitoyens qui n’osent plus venir », pour éviter tout retard de prise en charge.

De nombreuses inconnues demeurent toutefois : nous ne connaissons pas la saisonnalité du virus ni sa capacité à muter/se transformer ; nous ignorons comment se met en place l’immunité personnelle/collective vis-à-vis de ce coronavirus et nous n’avons, pour l’heure, ni traitement ni vaccin contre lui, conclut le Pr Sibilia. En outre, poursuit-il, « comment notre système de santé va-t-il être capable de soutenir les vagues à venir » car « ce virus ne disparaîtra pas aussi vite » ? Enfin, s’interroge-t-il, quel sera le niveau d’acceptation de la société face au « choc sociologique et économique » qui nous attend pour les « mois voire années » à venir ?

 

La Veille des acteurs de la Santé est partenaire de cette émission organisée par l’UC2m.

L’UC2m est un think tank créé en avril 2018 devant la nécessité de mieux comprendre les ruptures inhérentes à l’innovation et de prendre en compte les transformations qui touchent le système de santé et l’hôpital en particulier. Il réunit des experts et des professionnels de tous horizons : médecins, infirmiers, journalistes, professeurs, directeurs d’établissement, acteurs du monde économique et des nouvelles technologies, étudiants…


Lire notre article sur la précédente émission de l’UC2m :

Coronavirus COVID-19 : le début ou la fin de l’Europe ?

 

 

 

 

 

 

2 commentaires sur “L’hôpital face au coronavirus COVID-19 : maintenant et après”

  1. […] Cette transformation en si peu de temps, qui aurait imaginé que cela soit possible ? Les interventions des soignants dans les média sont impressionnantes de calme, d’esprit d’organisation et de détermination. Les hospitaliers jusqu’à cette crise sans précédent étaient dans la revendication réclamant avant tout plus de moyens. Mais là, ils ont transformé leur organisation avec les moyens du bord, sans préalable, avec le seul souci de sauver…. […]

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